lundi 9 mai 2011

Chapitre 5 - Nouvelle vie, nouvel âge


Lorsque je rencontrais Catherine, j’étais saturée de ma famille, saturée de cette religion. Je voulais prendre l’air, aller voir ailleurs ce qui se passait.
Curieusement Catherine allait me faire découvrir, et m’enseigner les matières qui petit à petit me mettraient sur la voie pour trouver les réponses à mes questions.
Je travaillais avec elle depuis plus d’un an lorsque je pris la décision de céder le seul magasin qui me restait. Il n’était plus viable économiquement d’une part parce qu’il avait dû absorber les conséquences financières colossales de ma rupture familiale et aussi parce que j’étais totalement démotivée.
Je voulais passer à autre chose, tourner la page à toutes ces histoires. Aussi, je vendis l’affaire à mon fournisseur principal qui reprit mon passif et je quittais donc le commerce presque sans argent après avoir  pourtant brassé des centaines de millions  pendant des années.
Je décidais du même coup de partir sur la région parisienne  où je trouvais un petit logement. J’avais préalablement organisé le départ de ma fille sur la capitale où elle continuerait son droit et serait logée chez une amie.
Depuis mon divorce, elle s’était considérablement rapprochée de moi, j’étais à la fois sa mère et son père puisqu’elle n’avait aucune relation avec lui. Elle était très collée à moi à tel point que je saisis l’occasion de ce nouveau départ pour l’emmener  hors du nid. Nous n’étions pas très loin l’une de l’autre, ce qui nous permettait de vivre cette transition le plus en douceur possible.
De mon côté, je trouvais un emploi et continuais mes formations et séances chez Catherine.

Entre temps, elle développait son cabinet et organisait des groupes de travail. Elle a toujours été très croyante et la vie spirituelle, sa motivation première. Mais elle s’était éloignée de la religion catholique qu’elle jugeait toxique par ses enseignements contre nature. Aussi entre les thérapies et les enseignements spirituels qu’elle pratiquait, elle entrait dans la catégorie de ce que l’on appelle le new-age, ou nouvel-âge d’autant qu’elle pratiquait aussi le channeling. Pour ceux qui ne connaissent pas ce mot, c’est une expression américaine qui désigne une communication entre un être humain et une entité d’une autre dimension.
Le nouvel-âge quant à lui est un mouvement spirituel non dogmatique (dans le sens dogmatisme établi) réapparu dans les années 1970 en Californie aux Etats-Unis.  Ses précurseurs en sont Emmanuel Swedenborg,  Helena Blavatsky, Alice Bailey et bien d'autres.
Son concept fondamental repose sur la récupération des enseignements et  techniques des Anciennes Grandes Civilisations et Cultures qu'il regroupe sous une même bannière, la sienne, après les avoir corrompus au passage.

Le nouvel-âge crée grâce à cela un bouquet hétéroclite qui permet de réunir un  grand nombre de personnes issues de milieux souvent très différents, mais néanmoins croyantes et  déçues par leur propre religion.
Le nouvel-âge prône l'unité du corps, de l'âme et de l'esprit, le développement des potentiels individuels illimités trop souvent ignorés. Et plus globalement, l'unité, le Un, pour tout et dans tout.
Si les enseignements et techniques sont à la base véridiques et très efficaces, ils ont été néanmoins altérés, "ré-aménagés" et infectés de façon perverse afin de préconiser l'établissement d'un "corps mondial unique", une religion universelle, une citoyenneté universelle, le partage, l'amour inconditionel et tout à l'avenant.
Nous y trouvons ainsi pêle-mêle aussi bien les enseignements du christ, ceux de bouddha, de la kabbale, de l'hindouisme, du védisme, du brahmanisme mais aussi  l'astrologie, l'astronomie, la physique quantique, la psychologie, la parapsychologie, la magie, toutes les techniques de médecine holistique, la médecine chinoise, l'hypothèse Gaia, l'étude de l'environnement, l'écologie... (liste non exhaustive). C'est vraiment un mélange de tout: monothéisme, polythéisme, judaisme, christianisme, gnosticisme, paganisme, néopaganisme, théosophie, universalisme, spiritualisme, ésotérisme....         
Le pratiquant doit apprendre l'innocuité et surtout doit laisser le pouvoir à son âme en lieu et place de l'égo, qui, elle seule, est en mesure de le guider vers son évolution.
Et puis le nouvel âge, c'est aussi le karma, concept spirituel culpabilisant qui nous tient en laisse puisque selon cet enseignement odieux, tout ce que nous vivons est la conséquence de nos actions passées d'autres vies ou de celles de notre vie présente. Donc tout est toujours de notre faute, ce qui est absolument faux, tout simplement parce que les choses sont beaucoup plus complexes que cela.        
On doit aussi tous s'aimer les uns et les autres et nombreux sont ceux qui croient canaliser le christ, marie, bouddha ou je ne sais qui encore comme personnage suprême. 

L'égo, le moi, n'est pas quelque chose que l'on abandonne facilement (encore heureux et nous verrons plus loin pourquoi ) puisque nombreux sont  atteints par l'égo spirituel qui est bien le pire de tous!
Le nouvel-âge préconise ainsi toutes les techniques de guérison et autres outils  d'évolution de l'âme et de l'esprit issus de ces anciennes traditions après les avoir falsifiés afin que le pratiquant n'obtienne jamais le résultat escompté mais au contraire qu'il soit un peu plus soumis au principe d'universalisme.
Ce mouvement génère un chiffre d'affaires colossal partout dans le monde en termes de produits comme livres, cds, consultations et formations.
C'est grâce au nouvel-âge que Catherine et moi nous sommes rencontrées.
Tellement tiraillée, déchiquétée même, je cherchais à me retrouver, à me recentrer.  C'est finalement ce que j'obtins mais pas grâce au nouvel-age !


RESPONSABILITÉ DES POUVOIRS PUBLICS

Il y a dans le nouvel-âge comme dans tous les domaines de notre vie, un paradoxe voulu afin de semer la confusion. D'un coté, il est prôné et donc largement diffusé, de l'autre décrié, dénigré, réprimé.
En France par exemple, infos-sectes se charge de la collecte d'informations et de la  répression (ou plutôt diffamation)  de tout ce qui est lié au nouvel-âge tandis que les livres sur les mêmes sujets, très largement diffusés, se vendent comme des petits pains.

Ces thérapies et techniques énergétiques, dites médecines douces ou alternatives n’ont jamais eu bonne presse, elles sont dénigrées, discréditées, qualifiées de suspectes par les pouvoirs publics alors qu’elles sont de plus en plus plébiscitées par le public. Si les gens se tournent vers ces techniques, ce n’est pas grâce à la communication faite autour d’elles puisqu’elle est inexistante ou diffamante, c’est plutôt grâce au bouche à oreille et surtout parce que ces personnes n’ont pas obtenu auprès de la médecine traditionnelle les résultats attendus.   
C’est à peu près la même chose dans tous les pays même si certains sont plus "ouverts officiellement" que d’autres.
La médecine chinoise est à peu près la seule à échapper presque partout à cette mauvaise réputation.
Toutes ces techniques ont le même but: restaurer et maintenir  la circulation de l’énergie de vie dans le corps pour être en meilleure santé. Le terme de santé n'étant pas limité à l'absence de maladies mais aussi à la santé globale dans la vie de la personne (prospérité, abondance, amour, épanouissement....) puisque tout est lié !
Et puis surtout ces techniques ne demandent ni matériel, ni médicaments........
Et la santé n'est pas une bonne affaire pour tous ces big business que sont les labos pharmaceutiques et consorts alors que la maladie, si !
Être en bonne santé ne rapporte rien et n'a que des inconvénients pour ceux qui ont le pouvoir.
Lorsqu'on est diminué par la maladie, on est fragilisé et plus manipulable et puis cela coûte cher de se soigner alors on a besoin de l'aide de l'état, de la sécurité sociale, "de tous ceux qui nous veulent du bien" et qui se disputent nos voix pour  nous donner plus de ceci ou de cela pendant que de l'autre côté le système s'organise pour nous rendre un peu plus malades. C'est une stratégie vicieuse, une spirale perverse qui se met en place qui fait que la santé (ou plutôt le maintien de la maladie) devient une chasse gardée à tous les niveaux!            

En conséquence, les thérapeutes pratiquant ces méthodes, pour certaines ancestrales, ont interdiction formelle de parler de santé, terme réservé aux professions médicales autorisées. Ce sont pourtant des techniques de guérison mais aussi de prévention qui reposent sur le postulat que si nous entretenons notre  corps (mais aussi notre âme et notre esprit), il rencontre moins de problèmes de santé au cours de sa vie.  
Tout ce que nous vivons au quotidien de négatif sur les plans physique, émotionnel,  psychologique et ce depuis notre naissance est source de blocage de l’énergie à un endroit ou à un autre du corps suivant notre constitution.
Même si elles ont chacune leur technique, ces médecines considèrent le corps dans sa globalité,  et vont avoir en conséquence une approche plus humaine. Contrairement à la médecine classique qui se focalise  uniquement sur la pathologie, le symptôme, celles-ci prennent en compte la totalité de l’être, corps, âme et esprit pour identifier et guérir la cause, et non la conséquence qui, elle, tend à revenir.
Si le principe d’essence d’énergie de vie existe bien dans les cultures orientales et porte le nom de ki, chi, prana, il est par contre étranger à notre culture, à notre compréhension et à notre conception ici dans les pays occidentaux. Il n’y a d’ailleurs aucun mot qui puisse traduire et répercuter la totalité de ce concept oriental. Aussi lorsque nous  avons des difficultés à appréhender quelque chose, qui plus est, invisible, il est plus facile de le rejeter. 
Pourtant les choses sont simples: vous êtes une personne énergique et tout d’un coup parce que vous faites un faux mouvement ou parce que vous avez mal digéré votre dernier repas, votre capital d’énergie se retrouve diminué et peut être même réduit à néant ou presque. Plus question de partir faire les quatre cent coups, vous êtes avachi sur le canapé. Cet exemple caricatural reflète pourtant ce qui se passe en nous sur des plans plus subtils au fil des jours, des années et des situations vécues. Comme par dessus le marché, l’être humain mène actuellement plus que jamais dans toute l’histoire humaine, une existence contre nature, il est encore plus vulnérable à la manifestation de ces blocages. Si pour rajouter au désastre, il vit dans un environnement pollué et qu’il absorbe comme carburant énergétique, une nourriture de mauvaise qualité, ces chances de blocage d'énergie et de maladies empirent considérablement.

Le corps humain est une création extraordinaire : à la fois résistant et vulnérable, il a la capacité de s’auto-régénérer, de s’auto-guérir. Encore faut-il que la personne ait conscience de ce potentiel.     
Je ne vais pas vous faire ici un cours, j’en serais bien incapable et ce n’est pas le but. Mais il est par contre fondamental que vous soyez ouvert à cette approche pour comprendre la suite car vous n’êtes pas au bout de vos surprises, malheureusement !  Et pour ceux qui penseraient que cela n’a rien à voir avec notre sujet, qu’ils se détrompent.              

Le moyen le plus simple pour les pouvoirs publics de tenir les gens éloignés de ces techniques est, devinez quoi, le porte-monnaie ! Ces thérapies ne sont pas remboursées par la sécurité sociale.
Cette stratégie hautement politique a un objectif double :
- éloigner le maximum de gens possible de ces médecines qui ne sont abordables que par des personnes à l'esprit ouvert pour y porter un minimum d'intérêt, sans parler des moyens financiers       
- discréditer ces méthodes auprès du public "si ce n’est pas remboursé, c’est que ce n’est pas bon pour nous, ce n’est pas de la vraie médecine, je ne veux pas payer alors que les vrais médecins sont remboursés etc......"

L’argument de fond pour rejeter ces techniques est que leur efficacité n’a jamais été prouvée scientifiquement, pas de tests cliniques, blabla et blabla, des arguments qui ne sont que propagande dans un jargon académique à vous donner mal à la tête.
Pourtant quiconque les expérimente constate instantanément leur efficacité (lorsque le thérapeute est compétent bien sûr).  
Grâce aux autorités médicales qui sont conseil auprès des pouvoirs publics, ces techniques sont exclues du cursus d’enseignement médical traditionnel. Il est ensuite facile de déduire que parce qu’elles n’ont pas de diplôme reconnu par les instances médicales et donc les pouvoirs publics, elles sont cataloguées, marginalisées, jusqu’à actuellement tout faire pour qu'elles disparaîssent définitivement.
Celui qui les pratique peut être accusé "d’exercice illégal de la médecine" même s’il est diplômé par l’école privée qui les lui a enseignés.           
Aujourd’hui, il y a des médecins qui se forment à ces techniques alternatives.  Ils ont  le diplôme reconnu de médecine plus le diplôme non reconnu de la thérapie alternative. Dans ce cas et suivant la nomenclature de l’acte que le médecin-thérapeute choisit de porter sur la feuille de maladie, le patient peut éventuellement se faire rembourser une partie du prix de la consultation. J’ai déjà vu ce cas pour l’ostéopathie qui n’est normalement pas remboursée bien que depuis peu de temps, les mutuelles sous la pression des demandes croissantes octroient une enveloppe annuelle (petite) pour les soins d’ostéopathie à leurs assurés.   

Ceci étant dit, Catherine recevait de plus en plus de monde.
Elle obtenait de très bons résultats et ses clients réservaient d’un rendez-vous sur l’autre. Il faut dire qu’il est sidérant de voir comment avec "aussi peu de choses" que des mains, de la conscience, une méthode et il faut le dire aussi un certain talent,  on peut soulager les personnes de problèmes de santé récurrents ou chroniques.  Je la vis ainsi apaiser les maux de nombreuses femmes dont je fus l’une d’elles. Les choses sont d’une simplicité effarante à vous rendre perplexe entre le décalage qu’il y a entre ce type de thérapies et la médecine classique à renfort de structures et de matériel  hors de prix sans parler de la tonne de médicaments. 
J'étais stupéfaite. Totalement bluffée !  
J’avais déjà une liste de questions non résolues,  elle continua de s’allonger encore et encore.
Je voulais apprendre, en savoir davantage, je me sentais comme une enfant qui découvre une mine d’or.
Je me formais à nombreuses techniques pour comprendre mais je n’avais certes ni les aptitudes et dons de Catherine, exceptionnelle dans tous ces domaines.
Je venais d'un univers qui était à des années-lumière de ce que je découvrais là.
Le monde juif est un monde fermé, obtus, étroit d’esprit, qui ne se remet pas en question, jamais. Le judaïsme vous dicte ce que vous devez penser, comment vous devez le penser et comment vous devez vivre. Le juif doit vivre selon la Tradition ou Loi qui contrôle sa vie entière.
Or toute cette philosophie, toutes ces techniques n'en font pas partie. Le judaïsme interdit tout ce qui peut élever l’esprit, l’élever au dessus des commandements de dieu.

Le temps passant, Catherine et moi devenions amies. Un matin, elle m’appela furieuse, me disant qu’elle venait de recevoir une lettre d’une avocate l’informant d’une plainte déposée contre elle par une de ses clientes. Catherine prit très mal la chose, d’autant qu’en plus d’être une excellente thérapeute, elle était très dévouée à sa clientèle à qui elle offrait tout son savoir faire pour un prix modique. Elle vécut cet évènement très douloureusement. Entière, spontanée et coléreuse, ne supportant ni la trahison ni l’injustice, elle signa l’accord proposé, paya et décida de tout arrêter.
Catherine n’est pas une personne à prendre un avocat et partir en procédure pendant des années. Ce type de situation est contre nature pour elle, elle préfère se débarrasser du problème mais par contre, elle en tire immédiatement la leçon et dans ce cas, décida de passer à autre chose.
Il n’était pas question qu’une autre de ses clientes après avoir bien profité de tout son savoir-faire puisse porter plainte contre elle puisqu’il s’avérait de plus en plus facile de porter plainte contre "ces thérapeutes non reconnus" pour quelque raison que ce soit et empocher ainsi un peu d’argent. Dans ce cas précis, l’avocat avait demandé vingt mille francs. Même après avoir payé les frais, il restait à la cliente un joli petit bénéfice appelé "dommages et intérêts pour  préjudice subi" en plus d’avoir été débarrassée d’une douleur chronique.  Catherine me dit sur un ton dégoûtée :
- "Une fois, pas deux. Plus jamais, c’est fini. Plus jamais je ne donnerai l’occasion à quiconque de me refaire vivre cette situation".

Et voilà comment le système se débarrasse d’une thérapeute  efficace mais gênante. En effet, un bon voire très bon  thérapeute obtient des résultats sidérants sur ses patients qui ne peuvent que constater avec  étonnement ce qu’ils expérimentent, vont en parler à leur famille, leurs amis, leurs voisins qui vont à leur tour vouloir se débarrasser de leurs maux récurrents  et voici comment pourrait se mettre en place la faillite d’un système, dans ce cas précis celui dénommé  faussement " système de santé".
Naturellement, tout ceci est démontré dans la seconde partie, preuves à l’appui.     
Pour revenir au thérapeute, dans les cas où l’affaire arrive jusque devant le Tribunal, l’information circule très bien grâce aux médias à la botte du pouvoir qui en font des gorges chaudes relatant par le menu toute  l’histoire et nourrissant encore un peu plus les croyances négatives du public vis à vis de ces "charlatans".

Lorsqu’on veut avoir une réaction x ou y du grand public, il est facile de choisir, en amont, les décisions politiques appropriées (conseillées par les autorités professionnelles concernées qui, il va sans dire mais c’est quand même mieux en le disant, ont les mêmes intérêts que le pouvoir) qui créeront  les conséquences voulues : la fameuse réaction du public.
Ce qui veut dire par extension, que la priorité dans tout acte politique est de savoir ce qu’on attend du peuple, du public, quelle réaction on veut obtenir de lui, et à partir de là, on peut construire la stratégie politique qui créera les conditions de cette réaction.
C’est toujours le peuple qui décide sauf qu’on lui trace la voie, une voie étroite qui le "guide" à ne faire d’autre choix que celui indiqué par toute une série de balises pendant qu’il croit, lui, vivre en démocratie   et être libre de choisir ses propres options alors qu’elles ont été manipulées en  amont par ceux qui gouvernent et qui veulent arriver à un résultat bien précis.
Les gens  sont trop manipulables, ils absorbent les informations telles qu’on leur donne: tout ce que dit la  télévision, par exemple, est parole d’évangile, ils ne cherchent pas à comprendre, à se poser des questions, à développer leur esprit logique et critique pour la grande majorité.
Et cette majorité crée ensuite l’arme idéale que le pouvoir utilise contre la minorité pour la marginaliser et lui rendre la vie impossible.   
  
Il va de soi mais je préfère quand même le préciser que dans le vaste choix de thérapeutes et, ce à l’image de toute autre profession dont bien sûr la profession médicale traditionnelle, il y a de bons et de moins bons praticiens et que ces derniers sont plus nombreux que les premiers. Tandis que les thérapeutes peuvent se voir accusés "d’exercice illégal de la médecine", les médecins eux lorsqu’ils font des erreurs qui mettent la vie de leurs patients en danger se voient protégés par une non obligation de résultat mais seulement une obligation de moyens ! 


UN OBJECTIF COMMUN

Catherine voulait partir et elle me demanda si j’étais prête à quitter la France avec elle. Elle m’avoua  que cela faisait un moment qu’elle y pensait. Quant à moi, elle connaissait mon  désir de partir depuis l’âge de 18 ans et mon penchant pour les pays anglo-saxons. Après discussion et réflexion, nous décidâmes de partir visiter le Canada: Québec et Ontario. Peut-être pour s’y installer !

Le Québec est le premier endroit à avoir récupéré et traduit  les textes et livres du new-age en provenance de Californie. C’était l’occasion de voir sur place ce qu’il en était. Nous partîmes dix jours en mars 2001. Nous avions réservé un hôtel à Montréal. Nous fûmes très déçues par le Québec. Une langue inaudible, un pays arriéré si on fait abstraction de la vague new-age. Nous avions loué une voiture ce qui nous permit de nous balader un peu. Québec était déjà plus joli que Montréal mais ce furent les Laurentides qui nous séduisirent le plus. Nous visitâmes Ottawa en Ontario. Décidément je préférais le Canada anglophone sans hésiter et Catherine aussi.
Aussi nous primes la décision de nous rendre le plus tôt possible après notre retour en Angleterre. Nous partions au Royaume-Uni deux mois plus tard et visitions Londres, Brighton et Salisbury. Cela nous plut et l’avantage était la distance moindre depuis la France pour organiser notre déménagement. Nous y retournâmes de nouveau avant de prendre notre décision et cette fois-ci nous montâmes plus au nord vers  l’Ecosse.
Ce fut le coup de foudre, un pays somptueux, une merveille de la nature, une de celles qui nous restent encore sur cette planète saccagée. J’avais besoin de nature après tout ce que j’avais vécu et Catherine avait besoin de paix.
Nous choisîmes l’Ecosse pour nous installer et les tout premiers jours de septembre 2001, nous emménagions.

Catherine avait mis son appartement en vente et demandé à l’amie qui lui avait prêté une partie de l’argent ayant servi à l’apport de superviser les choses avec l’agence  immobilière qui l'avait à la vente. Elle refusa et demanda à Catherine une reconnaissance de dette pour  l’argent dû. Catherine ne comprit pas sur le moment ce qui se passait et lui fit sa reconnaissance. Nous étions en août 2001.
Moi de mon côté, j’avais vu mon frère juste avant mon départ qui habitait maintenant Paris et à qui j’annonçais mon déménagement. Il fut très surpris et davantage encore lorsque je lui donnais ma destination. Je lui demandais de bien vouloir me verser la somme pour laquelle nous avions signé un protocole d’accord.
Le protocole indiquait pour des raisons juridiques et fiscales que le paiement interviendrait à la mort d’un de nos parents mais nous avions convenu que je pourrai disposer de cette somme dès que j'en ferai la demande.


DÉBUT DU CAUCHEMAR

Nous étions en train d’emménager chacune dans notre petite maison lorsque la tragédie du 11 septembre se produisit. Je l’appris par ma fille qui m’appela sur mon portable. Je fus totalement sidérée par cette nouvelle. Je filais chez Catherine lui annoncer la catastrophe. Je sentis instantanément que cet évènement était d'une gravité sans précédent.

Nous continuâmes à nous installer dans notre nouvelle vie lorsque exactement un mois plus tard, nous recevions un courrier de France annonçant à Catherine que son amie avait mis une hypothèque sur l’appartement derrière son dos et entamait une procédure contre Catherine plaidant qu’elle était partie sans la prévenir pour ne pas lui rendre la somme qu’elle lui devait. Je n’en croyais pas mes yeux. Quant à Catherine, elle passait des larmes à la colère. Nous venions d’avoir notre 11 septembre à nous. Cette nouvelle plomba notre arrivée, notre joie et tous nos espoirs. Moi de mon côté  attendait l’argent de mon frère qui n’arrivait pas et qui n’arriva jamais.
J’avais pour ma part payer six mois de loyer d’avance ce qui m’amenait en février 2002. Mais on ne pouvait pas laisser la situation en l’état, il fallait agir. C’était mon avis mais pas du tout celui de Catherine qui voulait aller dans le mur. Elle était submergée de chagrin car cette femme avait été sa meilleure amie avant notre rencontre, et c’est une dispute la énième après de nombreuses querelles qui les avait séparées. Son amie lui avait proposé à l’époque d’être aussi caution solidaire pour le prêt. Elle était donc doublement partie prenante et c’est la raison pour laquelle Catherine avait voulu l’impliquer avant de partir, lui proposant de mener la négociation de vente sur place.
Le résultat était  un appartement en vente, une hypothèque et une procédure pour bloquer la vente si il n’y avait pas avis favorable de l’amie en question sur tout client potentiel. La distance n’arrange rien dans ces cas-là bien au contraire d’autant que la situation était sérieuse et Catherine, trop honnête et intègre !
Pendant quelque temps, on tenta de régler les choses depuis l’Ecosse mais l’amie refusa une première proposition de client et je voyais mal comment les choses allaient évoluer.
Aussi j’abandonnais Catherine là-haut contre son avis et repartis en France.
Le fait de vouloir arranger la situation l'empira plutôt. L’amie en question ne voulait pas avoir affaire à moi aussi elle rejeta purement et simplement tout ce que je proposais et il n’y avait plus de client à l’horizon. Dans un premier temps, Catherine avait honoré les échéances du crédit mais elle ne voulait ni ne pouvait continuer.
Il y aurait donc la banque en premier rang à payer avec tout le cortège de frais et ensuite la somme due à l’amie qui grossissait à vue d’oeil à cause de l’hypothèque et des frais d’avocat. Voyant que ma présence en France ne changeait pas grand chose, je décidais de m’installer en Angleterre et prévoyait de faire descendre Catherine qui était complètement déprimée.
Je m’installais à deux heures de Londres mais je n’avais plus le coeur à grand chose, j’étais moi aussi très démoralisée.
Lors d'une violente dispute avec mon frère au téléphone, il m'avait dit :
- "Je ne te donnerai plus jamais un sou."
Je décidais de faire intervenir mon père puisque légalement je ne pouvais rien faire.
Mon père m’affirma qu’il allait faire en sorte que mon frère me paie mon dû mais que ce serait mieux que je rentre définitivement en France pour régler tout ça. Je commençais à être à court d’argent et devais aider Catherine.
Nous avions un projet en partant en Ecosse et pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, je l’avais laissé tomber lui et Catherine et commençais juste à entrevoir les conséquences de cette erreur dûe en partie à mon éternelle croyance en la fatalité.
Et ce n’était que le début du cauchemar.
Entre l’argent de mon frère et l’appartement de Catherine qu’il fallait vendre de toute urgence, je décidais donc de rentrer définitivement en France. Je m’installais dans l’appartement le temps de le vendre. Je réussis enfin à trouver un client à un prix qui permettait de payer toutes les dettes mais il ne restait rien pour Catherine. Bien sûr elle était tenue au courant et était d’accord pour que les choses se passent de cette manière: elle voulait s'en débarrasser ainsi que de tous les problèmes liés  et aussi vite que possible. Entre temps, l'amie en question s'était calmée, d'autant qu'elle ne voulait pas payer les échéances du crédit à la place de Catherine.     

Une fois, la vente signée, j’annonçais comme convenu à mon père que j’avais besoin maintenant de son aide pour obtenir ce que me devait mon frère, conformément à sa promesse.
Il m’envoya promener et me raccrocha au nez au téléphone. Je le rappelais et ce fut au tour de ma mère de me raccrocher au nez.
J’étais hallucinée. Comment avais-je pu être aussi naïve et crédule après ce qu’ils m’avaient déjà fait. Je ne décolérais pas. Je partis voir l’assistance sociale pour lui raconter mes mésaventures et remplir un dossier de RMI que j’obtins mais je n’avais pas de logement et la France n’est pas l’Angleterre.
En Angleterre, pas besoin de dix mille papiers, vous payez votre loyer, vous restez, vous ne le payez plus, vous partez.
Pas besoin de caution ni garantie.
Je ne pouvais donc rien louer. Ma fille s’en mêla et appela ses grands-parents qui lui raccrochèrent au nez à elle aussi. Mais elle ne laissa pas faire, les menaça leur disant qu’ils ne pouvaient me laisser dans cette situation et finalement mon père débarqua à Paris, tout sucre tout miel, un chèque à la main et se proposant d’être garant pour un petit logement.
Je m’installais dans la région parisienne et trouvais un travail. Je continuais à envoyer de l’argent à Catherine qui entre temps s’était remise à écrire. Un jour, excédée de tout ce que j’avais à gérer, je lui raccrochais au nez à mon tour et nous restâmes plusieurs mois sans nous appeler.

J’étais à bout et ne pensais qu’à me foutre en l’air. J’étais complètement écoeurée d’autant que je savais que mon frère menait grand train. Mes cousines habitant Paris qui me savaient de retour m’invitaient de temps en temps. Il y eut notamment un soir de fête pour Pessah où je me rendis chez l’une d’elles. Elle avait épousé un homme très pratiquant et cela faisait des années que je ne les avais pas vus. Il y avait mes autres cousins, tantes et oncles et je fus traumatisée par l’atmosphère qui régnait dans cette maison.
Je réalisais après tous ces mois loin de ma famille combien cette ambiance était prégnante, lourde, sombre, dénuée de toute lumière. C’était vraiment désagréable, c’était comme une gangue.
J’eus droit à trois heures de prières avant le repas, encore des prières pendant et encore à la fin. Un vrai cauchemar. Décidément je ne supportais plus du tout cette religion. Le fils de ma cousine qui était maintenant dans une yeshiva en Israel était revenu pour passer les fêtes en famille et sa fille venait de se fiancer avec un jeune homme ultra religieux. Dès que je pus, je fichais le camp.
Je ne supportais plus du tout cet environnement oppressant, même le temps d’un repas. C’était devenu intenable !

Aussi je décidais de continuer ma vie loin d’eux.
Un jour alors que je cherchais des informations sur le coaching, je trouvais une formation qui d’emblée me plut et que je pouvais payer en plusieurs fois. Je m'inscrivis. Cette formation m'apporta les informations et le déclic qui allait m'aider à comprendre nombre de choses dont nous parlerons dans la seconde partie . Je finis donc cette formation et devins coach. Je continuais néanmoins à être salariée pour subvenir à mes besoins.

Personnellement, je n’avais pas d’amis, seulement des connaissances, des relations rencontrées à droite à gauche comme dans cette formation. J’aurai eu besoin d’être entourée mais après tous ces vécus difficiles, je préférais encore être seule plutôt que de ne pas savoir à qui j’avais affaire, d’autant que les amitiés superficielles n’ont jamais été à mon goût.  Catherine me manquait. Aussi lorsqu’elle m’appela un jour de décembre, à la veille de Noël, j’étais toute contente.
Nous discutâmes un moment et elle m’annonça qu’elle était en pourparlers pour faire éditer un livre qu’elle venait de terminer sur le Feng Shui et qu’elle allait probablement rentrer en France à la demande de son éditeur étant donné que plusieurs autres livres étaient en préparation. Je fus surprise et lui proposais de l’aider à déménager si elle avait besoin. Quelques semaines plus tard, nous avions rendez-vous en Angleterre et nous fûmes vraiment très heureuses de nous retrouver. Elle voulait revoir l’Angleterre avant de prendre la décision définitive de rentrer en France. Au cours de ce petit périple, je la sentais mitigée, voire réticente, elle ne voulait pas rentrer France mais son éditeur la pressait.
Elle m’expliqua qu’elle avait envoyé ses manuscrits chez de nombreux éditeurs mais que celui-ci avait été le seul à retenir son oeuvre. Et encore moyennant finances, puisqu’il fallait qu’elle paie pour l’éditer.
Mais Catherine était restée seule en Ecosse après mon départ et elle n’avait pas eu la vie facile loin de là. Sa maison était isolée, elle était sans voiture, ne sachant pas conduire.
Lorsque j’écris ces lignes, je me sens à nouveau très mal par rapport à toute cette situation. Je suis consciente de l’avoir abandonnée et d'avoir raté une opportunité de celles qui ne se représentent pas deux fois.
Et puis ce départ avait eu lieu avant le 11 septembre. Or avec le recul, je comprends maintenant l'empressement de "l'ange" de Catherine à nous faire installer absolumment avant le 12 septembre. Il ne nous avait pas lâchées avec cette date !
  
Je sais que, pour ma part, je n’ai pas su gérer émotionnellement cette catastrophe qui nous est tombée sur la tête à peine arrivées et comme à mon habitude, je suis retombée dans mes croyances négatives fatalistes qui, même si elles ont leur raison d’être, ne font que perpétuer un cercle vicieux infernal dont il est ensuite compliqué de sortir.
Si cet évènement nous était arrivé quelques mois plus tard, nous ne l’aurions pas vécu de la même manière, nous aurions déjà été installées et très certainement le projet que nous avions aurait pris corps même sans l’argent de mon frère. Mais il était advenu à peine arrivées, nous n’étions même pas encore installées.
Et maintenant, nous allions mettre dix ans à nous en remettre et à comprendre ce qui s’était réellement passé.
Dix années d’erreurs, d’horreurs, de douleurs pour enfin avoir le fin mot de l’histoire et encore parce que nous cherchâmes âprement des réponses.
Pourtant Catherine m’avait dit dès octobre 2001:
-" Tu sais je crois que la lumière n’est pas là où l’on croit."
Je me souviens de cette remarque comme si c’était hier tellement elle me marqua, surtout qu’elle rajouta
- "Je ne sais pas qui j’ai canalisé finalement."
J’entendais ce qu’elle me disait mais j’étais perplexe et incrédule bien que j’ai toujours eu une grande confiance dans ses ressentis.
J’étais loin d’imaginer que la vérité serait encore pire que ce que quiconque peut  imaginer dans ses pires cauchemars. L’être avec qui elle communiquait depuis des années, bien avant que je ne la rencontre, je l’entendais aussi, il nous guidait et nous donnait un enseignement de fond, passionnant au demeurant, sur les lois physiques et spirituelles. Cependant Catherine me répétait  souvent qu’il y avait des choses qui la  dérangeaient, qu’elle ne comprenait pas parce qu’elles défiaient toute logique et cohérence.
   
Elle rentra et s’installa en Corse, la terre de ses ancêtres du côté paternel. Son livre parut et se vendit très bien ce qui la consolait un peu de son retour qu’elle regretta aussitôt surtout qu’à peine arrivée, elle eut la surprise de se découvrir interdite bancaire. L’appartement avait été vendu, la banque soldée mais l’inscription n’avait pas été retirée à la Banque de France.
Elle regretta amèrement d'être revenue  d’autant qu’elle pensait à juste titre que l’éditeur réimprimerait puisque le premier tirage s’était vendu en moins de trois mois mais pas du tout. Entre temps, il y avait eu un changement à la direction de la société et les ouvrages de Catherine n’étaient plus à l’ordre du jour. A nouveau, des problèmes. Elle décida de recréer un petit cabinet mais cette fois-ci uniquement pour l’astrologie afin de ne travailler que par correspondance. Mais ce n’était pas suffisant. Et puis il y avait ce livre qui avait si bien marché et dont la réimpression avait été annulée. Cela commençait à faire beaucoup, beaucoup de malchance.

Elle découvrit que le nouveau directeur ne l’avait pas réimprimé car lui même auteur, en avait fait un plagiat, ce qu’il fallait pouvoir prouver. Encore des problèmes, encore des gens malhonnêtes puisqu’il avait toujours en sa possession les droits d’exploitation du livre. Partir en procès n’était certainement pas la solution; trop de temps, d'argent et d'énergie sans aucune garantie de résultat.
Entre temps, je déménageais dans le sud où j’avais une opportunité professionnelle.
J’étais toujours en contact avec Catherine qui allait de plus en plus mal. Elle avait perdu le goût de tout et surtout de vivre. Plus rien ne lui faisait envie ou plaisir. Je me demandais bien comment tout cela allait finir. Je me proposais de trouver un peu d’argent pour la réimpression de son livre mais elle ne voulait pas. La gestion du quotidien n’a jamais été son fort. Vous me direz qu’il y a beaucoup de gens comme cela, c’est tellement inintéressant, chronophage mais pour elle, c’est tout simplement insupportable. Elle est écrivain, elle a une âme d’artiste, de créateur, aussi tout ce qui est bureaucratie, administratif l’agace au plus haut point.
Donc elle ne voulait pas.

Entre temps  du côté familial, les choses s’étaient nettement calmées avec mes parents même si toujours pas d’argent de la part de mon frère avec lequel je m’étais encore violemment disputée au téléphone à ce sujet, un jour où j’étais avec ma fille. Ce jour-là, elle m'avait arraché le téléphone des mains pour dire à son oncle ses quatre vérités. Elle avait toujours eu une très bonne relation avec lui depuis que j’avais divorcé. Son oncle  lui marquait de l’attention, il la gâtait, il remplaçait un peu son père au moins sur le plan d’une présence masculine puisque de mon côté, je menais ma vie privée de façon discrète.
Mon frère lui répondit:
- "Tu t’es trompée de camp, ce n’est pas du côté de ta mère qu’il faut être si tu veux avoir de l’argent. Et elle, elle n’aura plus jamais un rond, tu entends, plus jamais. Je t’en fais la promesse. C’est vraiment dommage que tu sois du mauvais côté."  
J’avais l’impression de rêver. Nous avions mis le haut-parleur et j’étais ébahie par ce que j’entendais.
Ce jour là, hors de lui, il avait dit quelque chose d’important sans que j’en comprenne toutefois la portée. La seule chose qui était claire, c’était que les "camps" étaient bien réels et que je n’étais pas dans celui de mes parents ni de mon frère.

Depuis la naissance de ma fille, sa grand-mère, ma mère avait toujours essayé de la tirer vers elle mais elle ne s’était jamais laissée faire. Elle n’aimait pas sa grand-mère. Un jour, alors qu’elle avait trois ans et se promenait au parc avec la personne qui la gardait, elle la rencontra. Ma fille ne voulut jamais lui faire la bise, se détourna si bien que lorsque je rentrais le soir, la nurse, gênée de ce qui s’était passé, me raconta toute l’aventure en détail.
Dès que je revis ma mère, elle me reprocha de monter ma fille contre elle, ce qui était absolument faux. Ce genre de chose ne m’était même pas venue à l’idée mais par contre ma fille devait sentir la distance et la froideur de nos rapports.
Ma mère mit tout en oeuvre pour appâter sa petite-fille sans jamais y parvenir. Je fus d’ailleurs toujours étonnée de constater combien ma fille était moins naïve que moi.
Voici une petite anecdote qui contribua à produire l’exact opposé de ce que voulait ma mère. Il est vrai que si c’est comme ça qu’elle pensait l’attirer dans ses filets, elle se trompait lourdement.
Un jour de décembre, juste un peu avant Noël que nous fêtions aussi pour que nos enfants ne soient pas en reste par rapport aux chrétiens, ma mère emmena ma fille faire les magasins pour qu’elle choisisse son  cadeau. Ma fille avait onze ans et elle voulait des vêtements, elle alla donc choisir, essayer et au moment où le choix était terminé, sa grand-mère lui dit :
- "Bon ma chérie, je viendrais les chercher le premier jour des soldes. Ce serait dommage de payer le prix fort et puis cela me permet de t’en offrir davantage."
Il faut vraiment avoir une pathologie avec l’argent pour agir de la sorte avec un enfant et vouloir encore gagner quelques sous sur un cadeau ! J’étais folle de rage lorsque ma fille me raconta son "épisode shopping".
Et je fus ravie quand j’appris ce qu’elle avait répondu à sa grand mère :
- "Tu sais mamie, tu n’as qu’à garder tes sous comme ça, ça te ferait encore plus d’économies."
Ma mère, cette femme bourrée de fric, était en dessous de tout. Aucune conscience de rien, quant à avoir du coeur, même  pas elle sait ce que ça veut dire. Il est vrai que les juifs ont un coeur oui mais l’organe, bien sûr pour faire fonctionner le corps quant au sentiment, vous pouvez toujours courir.

Je n’ai jamais vu un seul juif autour de moi faire un "cadeau" autrement que par intérêt: en paiement de quelque chose ou pour avoir quelque chose.                          
L’argent sert à acheter tout et surtout les gens ! voilà ce avec quoi je fus perfusée toute mon enfance.
Le but est donc d’avoir le maximum d’argent pour faire tomber tout le monde dans son escarcelle.
Combien de personnes sur cette planète refusent d’être achetées?
Combien?
Combien refusent de garder leur intégrité, leurs valeurs intactes ?

Chapitre 4 - Ma vie de jeune femme


LA RENCONTRE
Je continuais ainsi ma vie d’adolescente jusqu’à ma majorité que j’attendais avec impatience. Dès que j’eus mes 18 ans, je passais mon permis de conduire que j’eus de suite. J’arrêtais le lycée alors que je n’étais qu’en première et décidais de partir vivre au Canada avec une de mes amies juives.
Nous n’étions que moyennement proches mais l’avantage était que je ne partais pas seule. Nous avions projeter de trouver un travail sur place, n’importe lequel pourvu que l’on puisse s’y installer. J’avais épargné un tout petit peu d’argent sur mon argent de poche mais pas beaucoup. Autant mes parents me payaient tout ce dont j’avais besoin et au -delà, autant je n’avais pour ainsi dire pas d’argent de poche.  
Lorsque je leur annonçais cette nouvelle, ils furent catastrophés. Mon père revint vers moi quelques heures plus tard me disant qu’ils étaient prêts à faire des concessions pour que je reste. Je ne voulais pas rester. Mais entre temps, mon amie avait changé d’avis.
Je négociais alors mon départ pour la capitale. Ils me loueraient un appartement tandis que je travaillerai. Ils montèrent à Paris pour me louer un appartement. Ce fut un deux pièces avenue Monceau. Nous avions convenu qu’ils paieraient le loyer et mes vacances. Pour le reste, je me débrouillerai. Je trouvais un travail dans le sentier. J’eus beaucoup de chance car la maison de prêt-porter dans laquelle je fus embauchée était très en vogue à l’époque et possédait un bureau de style. La responsable de ce bureau qui devait partir en congés de maternité était aussi le bras droit de la directrice de collection et associée de la société. Bien qu’inexpérimentée, je fis mon maximum pour avoir le poste que je réussis à obtenir. Je vécus une aventure passionnante. Mon travail consistait à sélectionner les tissus pour les modèles choisis et à faire fabriquer les prototypes des prochaines collections. Je travaillais aussi sur les tendances de la saison encore suivante.
J’avais des journées bien remplies. Le soir et le week-end, je voyais mes amis, ceux des camps de vacances puisque tous ou presque étaient parisiens.

Les vacances avec l’Agence Juive ou le  Bnai Brith avaient fait place maintenant à celles avec le Club Méditerranée.
Ce fut la grande époque Club Méd qui commençait, d’abord en tant que jeune fille célibataire, ensuite en couple, puis en tant que divorcée.  
Un hiver, je partis avec un des mes cousins qui, à peine arrivé sur place rencontra la fille d’un de ses fournisseurs qu’il me présenta. Je sympathisais avec cette jeune femme qui allait devenir ma belle- soeur.  Rentrée sur Paris, nous continuâmes à nous voir et ce ne fut pas long avant que je rencontre son frère aîné. C’était déjà un homme qui travaillait dans la grosse affaire familiale. Je sortis avec lui.
Je descendais de temps en temps voir mes parents. Lors d’un de ces week-ends, ma mère égale à elle-même, me posa dix mille questions. J’avais l’habitude depuis déjà longtemps d’éviter de répondre ou de ne dire que très peu de choses afin de clore la série interminable de questions mais elle avait l’art de m’acculer et cette fois ci, elle ne me lâcha pas.
Je lui avouai que j’avais rencontré un garçon et que je sortais avec lui. Elle demanda qui il était, qui était sa famille, d’où venaient-ils. Je la rassurais en lui annonçant qu’il était juif et ashkénaze. Le moment vint où elle comprit qu’il restait chez moi de temps à autre. J’avais maintenant vingt et un ans mais je crus bien qu’elle allait se trouver mal.
J’étais déjà la première et seule fille de la famille à être partie de la maison célibataire pour vivre ma vie et maintenant, je vivais avec un garçon ! Ce qui n’était pas le cas du tout.
Ce fut un drame. Elle alla voir mon père pour lui raconter et je passais un week-end épouvantable. Ils me demandèrent  quelles étaient ses intentions. Ce à quoi je répondis que c’était sérieux. En effet, il m’avait demandé de l’épouser quelques temps auparavant. Les semaines qui suivirent furent compliquées. Ma mère voulait précipiter les choses. Il n’était pas question pour elle que les choses restent en l’état. Et moi, je n’étais qu’à moitié ravie. Finalement, je fis connaissance avec sa famille, nos familles se rencontrèrent et une date fut arrêtée pour les fiançailles.


FIANÇAILLES ET MARIAGE
Ma robe était superbe, tout en dentelle, on aurait déjà dit une robe de mariée mais courte, j’eus un solitaire comme bague de fiançailles et lui reçut une montre Cartier. La fête eut lieu une belle journée d’été en petit comité bien que toute la famille fut mise au courant.
La date du mariage fut fixée en décembre et nous avions décidé de nous installer chez moi. Il quitterait l’entreprise familiale afin que nous travaillons ensemble. Il y eut beaucoup de problèmes d’argent pour l’organisation du mariage. Mes parents devaient tout payer. Mes futurs beaux-parents ne paieraient que pour leurs invités qu’ils avaient réduit au strict  minimum, famille proche et amis de mon futur mari.
Quelques semaines avant le mariage, je sentais que je faisais une erreur. Cette décision avait été trop précipitée. Mais il  était trop tard pour reculer ou peut-être n’avais-je  pas le courage de perdre ce qui allait être mon nouveau statut de femme mariée. Le fait est que je mariais comme prévu, que nous retournâmes vivre chez moi où nous avions signé en même temps que le contrat de mariage, un contrat de location- gérance pour un magasin appartenant à mon père.
Il ne me fallut pas longtemps pour me rendre compte que j’avais effectivement commis une grosse erreur  : mise à part la religion et nos origines ashkénazes nous n’avions rien en commun.
Je m’ennuyais avec lui, il ne parlait que d’argent et de sujets qui n’avaient aucun intérêt pour moi. Mais je tombais enceinte  jusque quelques mois après le mariage alors que je n’aurai pas du aux dires de mon gynécologue qui me traitait à cette période. Le fait est que j’attendais un bébé et que ce fut loin de me ravir encore une fois.
Neuf mois plus tard naissait une petite fille. A partir de là, je fis très attention à ne pas retomber enceinte.                                
Nous commençâmes donc notre vie professionnelle avec un magasin loué à mon père. Les affaires marchaient plutôt bien. Quelques temps plus tard, il nous proposa de travailler avec eux dans leurs différentes affaires. Nous garderions ce magasin et nous serions partie prenante dans leurs affaires. En commençant tout d’abord comme employés et au fur et à mesure, on pourrait entrer dans la société. Tandis que mon mari changea de quartier pour travailler avec mon père, moi je restais m’occuper du magasin. Mais malheureusement les choses ne se passèrent pas bien du tout. Les deux beaux-frères ne s’entendirent pas du tout.
Mon frère qui avait à peine dix huit ans avait rejoint notre père dans les affaires en entrant par la grande porte comme associé aux côtés de ma mère. Déjà orgueilleux, cette position le renforça dans son attitude en général et plus particulièrement dans son comportement vis-à-vis de mon mari, salarié, avec lequel il n’avait, au départ, aucune affinité. La situation dégénéra vite et ils en vinrent aux mains. Il y eut même un épisode où je dus me rendre d’urgence sur place pour les calmer. Mon frère avait toujours été coléreux lorsque que les choses ne se passaient pas comme il voulait et mon mari d’un tempérament apparemment calme était, en fait, le feu sous la glace. Si bien que l’ambiance se dégrada et survint le clash. Mon père prit parti pour son fils et mon mari repartit comme il était venu.   
Moi, je pris parti pour mon mari même si je savais qu’il avait des torts, quand à mon frère, il se comportait comme un enfant mal élevé, gâté et insupportable.


LES CHOSES SÉRIEUSES COMMENCENT
Cet évènement marqua le début des hostilités commerciales  de la fratrie.
Suite à cette séparation, nous décidâmes mon mari et moi de prendre un autre magasin. Nous étions en 1980, au tout début des centres commerciaux. Et il y en avait justement un qui se construisait à proximité du centre ville dans un quartier qui avait été totalement rasé en vue d’y construire le nouveau centre administratif. Les promoteurs de ce centre  cherchaient à installer des commerçants connus pour attirer la   clientèle. Il y aurait aussi comme locomotive une enseigne d’hypermarché et un parking gratuit. Les conditions étaient très intéressantes. Il n’y avait pas de droit d’entrée,  simplement un loyer et des charges.
Le seul risque se résumait à l’investissement pour les travaux. Il restait encore de très bons emplacements, aussi nous signâmes pour l’un deux.
Le centre démarra sur les chapeaux de roue. Le succès fut immédiat. Le centre faisait désormais partie du circuit shopping des clients du centre ville. Nous avions créé une boutique multi-marques pour femmes qui proposait principalement des pulls et des chemisiers dans une très large gamme de coloris, de modèles et de qualités. On les vendait comme des petits pains si bien que nous laissâmes la boutique en location-gérance qui était maintenant dans une artère secondaire pour se focaliser sur l’achat d’une nouvelle boutique dans une rue piétonne.
Il n’était pas facile de trouver un bon emplacement ayant une petite  superficie. Finalement, nous en trouvâmes un mais qui était cher. Nous avions un apport conséquent mais il fallut prendre un crédit.  Pour réaliser cette affaire qui fut compliquée, nous créâmes une société. Nous avions convenu que mon mari installerait ses quartiers dans cet immeuble qui comportait le magasin au rez de chaussée et des bureaux sur les deux étages supérieurs. Moi, je resterai basée dans le centre commercial. Lui s’occuperait de la comptabilité, de toute la gestion administrative et financière et moi de tous les aspects commerciaux.   C’était parfait. Nous ne serions plus collés au même endroit du matin au soir. Je n’en pouvais plus, j’avais besoin d’air, j’avais besoin d’espace. 
                                        
Quelques temps plus tard, un soir de janvier 1982 alors que j’étais en train de préparer le dîner à la maison, tout d’un coup, à vingt heures précises, la hotte aspirante prit feu. Certainement des éclaboussures qui avaient sauté de la poêle où je faisais cuire les pommes de terre. Pourtant ce n'était pas la première fois  que  j'en  faisais cuire !
La cuisine avait deux portes l’une donnant sur la salle à manger et l’autre sur l’arrière cuisine. Je ne pus contenir le feu qui en quelques secondes avait dévasté la cuisine et gagnait maintenant la salle à manger et le salon. En quelques minutes, l’appartement fut en feu et ma fille âgée de trois ans attendait que je vienne la chercher dans sa chambre à l'autre bout de l'appartement. Je me faufilai jusqu’à sa chambre pour la sortir. Je descendis les escaliers avec elle dans mes bras pour aller respirer l’air dans le jardin. Lorsque les pompiers arrivèrent, le feu avait déjà ravagé une grande partie de l’appartement.    
Je vous raconte cette histoire qui paraît être à première vue  une anecdote car ce soir là pendant que mon appartement en location brûlait, mon frère gagnait plus de deux millions de nouveaux francs au loto.
Lorsque j’appris cette nouvelle, je fus abasourdie. Ce fut vraiment un choc. Tout d’un coup, je réalisais que j’avais vu juste depuis le départ : nous n’avions pas du tout été accueillis de la même manière mon frère et moi dans cette famille.
En plus des preuves flagrantes que j’avais au quotidien devant les yeux, je vivais maintenant une démonstration des effets que pouvait avoir la bienveillance accordée à mon frère au contraire de l’évidente malveillance à laquelle j’avais droit.    
Je gardais cette réflexion pour moi. Il était inutile de s’exprimer sur un terrain où de toute manière, on ne me donnerait jamais raison. Mais le fait était là. Et lorsque je vérifiais l’heure, ces deux évènements dans  sa vie et dans la mienne avaient eu lieu à la même minute, si tant est que l’on puisse parler d’heure exacte. Lui avait gagné une petite fortune surtout pour son âge au moment où ma maison était partie en fumée !       
Je passais les semaines qui suivirent avec les experts et autres entreprises tandis que mon frère touchait son chèque et le plaçait en achetant des lingots d’or suivant les conseils de notre père. Mon mari, ma fille et moi déménageâmes chez mes parents qui avaient un très grand appartement où nous pouvions donc loger sans problème en attendant de prendre une location provisoire.

DIVORCE À L'HORIZON

Le temps passa et la vie continuait pour tout le monde.
C’est à partir de ce moment que mon frère commença à investir dans le commerce et qu’eut lieu le fameux épisode où il nous retira, avec l’aide de notre père, une marque pour se l’approprier et monter des  franchises.
De notre côté, le nouveau magasin exigeait beaucoup d’énergie. Nous avions besoin de faire un gros chiffre d’affaire pour payer le crédit et les charges. La seconde année fut difficile. Pourtant l’argent rentrait mais pas assez et trop difficilement. Il fallait tout le temps des nouveautés et le manque à gagner du à la perte de la marque pesait dans les comptes. J’avais eu des difficultés à remplacer au pied levé un produit aussi renommé qui générait un gros chiffre d’affaires. 
Je partis comme d’habitude passer les vacances avec ma fille en ayant tout organisé pour les roulements de personnel puisque nous restions ouverts tout l’été. Mon mari nous rejoindrait comme d’habitude pour une quinzaine de jours mi -aout. Les vacances se passèrent agréablement et ensuite il nous quitta pour retourner travailler.

Je devais rentrer avec ma fille fin août lorsque mon père m’appela me demandant de rentrer le plus vite possible. Je lui demandais pourquoi, il éluda la question. Lorsque j’arrivais, je découvris que mon mari avait fait une tentative de suicide et était hospitalisé. Sa vie n’était pas en danger mais il avait subi un lavage d’estomac et était en observation. Et surtout je découvris la raison de cette tentative : le banquier avait rejeté les échéances de crédit du magasin depuis maintenant trois mois. L’argent qui rentrait dans les magasins ne partait pas à la banque en totalité depuis déjà des mois et le trou commençait à être important. Il savait qu’il allait être découvert et avait choisi ce moyen pour me faire passer la pilule. J’étais furieuse.
Comment avait-il pu nous voler, se voler de l’argent à lui-même et comment pouvait-il être aussi lâche? Je vécus très mal l’histoire et il devint évident que je ne pourrai plus vivre avec lui. Aussi dans mon for intérieur, j’étais décidée à divorcer.
Lorsque j’appelais mes beaux-parents pour leur apprendre la nouvelle, ils descendirent de suite voir leur fils. Nous eûmes quelques petites réunions de famille pendant qu’il était à l’hôpital où j’eus des mots avec mon beau -père qui me dit en gros de me débrouiller avec mon mari et qu’il ne voulait rien savoir. Je compris que ce mariage les avait bien arrangés et qu’ils ne lèveraient pas le petit doigt pour aider leur fils.
J’étais stupéfaite de découvrir de telles réactions d’autant qu’il fallait maintenant que je résolve les problèmes. Ça ne se passerait pas comme cela. Je passais les semaines suivantes à régler en priorité les problèmes de banque et de fournisseurs puisque je découvris que certains fournisseurs n’étaient pas payés, non plus. En fait cela faisait des semaines maintenant qu’il n’ouvrait même plus le courrier que je retrouvai jeté dans une armoire fermée à clef. Il fallut remettre de l’ordre, régler les problèmes, faire tourner les boutiques  puisque que l’on était en début de saison, gérer la maison, m’occuper de ma fille pendant que mon mari, maintenant sorti de l’hôpital, passait ses journées affalé sur le canapé du salon à regarder la télévision.

J’étais absolument décidée à divorcer. Non seulement il était laxiste et passif mais en plus ce suicide avait révélé un aspect violent de sa personnalité. Plusieurs fois, je dus fuir la maison avec ma fille. D’autres fois, il menaçait d’aller la chercher à l’école, de l’emmener avec lui et que je ne la reverrai plus jamais. Il basculait de la passivité à la violence. 
J’allais voir mon avocat pour me renseigner sur la procédure. Dans le cas probable où il ne voudrait pas divorcer d’un commun accord, je n’avais pas le choix que d’entamer une procédure de divorce pour faute qui pourrait ensuite être aménagée en «demandé-accepté» par exemple mais auparavant il fallait pour simplifier les choses que nous ayons réglé les aspects professionnels et financiers de notre séparation.

Or depuis le début, j’étais celle qui portait les affaires à bout de bras, je voulais donc garder les magasins. La société était en mauvaise posture mais je voulais garder ce nouveau magasin. Pendant les mois qui suivirent, je travaillais à récupérer le contrôle juridique et signais des accords avec les banques et les fournisseurs. Le moment arriva où il fallait passer à la procédure de divorce. Lorsque je lui appris que j’avais demandé le divorce, sa réaction fut très violente et menaçante.
Naturellement il refusait de divorcer mais le pire  fut la période de vie commune en attendant la conciliation.
Je ne m’étendrai pas sur des détails qui n’ont aucun intérêt. Simplement, afin qu’il accepte le divorce, je dus payer une prestation compensatoire alors que le bilan financier de nos biens personnels et professionnels était négatif. Et il fallut aussi que j’organise son déménagement. Il m’opposa pendant cette période une force d’inertie considérable et épuisante.
J’avais obtenu la garde de notre fille mais il était convenu qu’il la prendrait un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires. Il n’utilisa jamais son droit jusqu’à ce qu’il ait rencontré une autre femme chez qui il emménagea très vite.
A ce moment, il vit sa fille de temps en temps et me versa pendant quelques temps la petite pension alimentaire qui avait été prévue lors du divorce lorsqu’il reprendrait une activité.
Il s’arrêta très vite de travailler afin de devenir insolvable, se remaria et ne s’occupa jamais de sa fille que soi-disant "il adorait".           

Je continuais ma vie avec ma fille à qui j’essayais d’apporter tout l’amour et l’attention dont elle avait besoin puisque cette enfant qui avait un peu plus de six ans au moment du divorce ne verrait plus son père pendant des années, ni ses grands-parents paternels qui m’en voulaient bien sûr. Quant à mes parents, ma mère tellement chaleureuse et affectueuse était incapable d’apporter à ma fille ce dont elle avait besoin.
C’est à ce moment que je fonçais tête baissée dans le travail puisque qu’il ne me restait que cela.


MIAMI
Je travaillais beaucoup et réussis non seulement à sortir de la situation déplorable dans laquelle mon divorce m’avait mise mais aussi à gagner de l’argent. Mon frère se rapprocha progressivement de moi à ce moment-là, ce qui me permit de profiter de certains avantages. Ils étaient notamment en pourparlers pour acheter deux appartements à Miami. Le dollar était très bas à cette époque et les appartements faisaient partie d’un complexe de très grand luxe au nord de Miami Beach. Nous vivions bien en France, je peux même dire que nous avions un excellent train de vie pour la France, mais je découvris là-bas un luxe sans commune mesure.
Le complexe se composait de plusieurs immeubles dont certains étaient encore inachevés. Ils avaient eu vent de cette réalisation immobilière par des amis juifs français dont une des filles mariées vivait à Miami  et venait d’y acheter un appartement.

La première fois que je partis pour Miami avec ma fille, mes parents m’avaient obtenu un appartement de VIP pour une semaine qui coïncidait avec une Bart-Mitzvah à laquelle j’étais invitée avec ma fille. Lorsque nous arrivâmes à l’aéroport de Miami, une limousine blanche extra-longue nous attendait pour nous amener à la résidence. L’entrée de l’immense propriété était fermée par de hautes grilles en fer forgé comme dans les feuilletons américains, deux gardiens en assuraient la sécurité et l’ouverture des grilles. Lorsque j’entrai, je découvris un endroit paradisiaque : une  superbe végétation tropicale, quatre immeubles donnant sur l’eau, une marina enfin le paradis sur terre sur fond de ciel bleu et de soleil brûlant. L’appartement qui nous fut prêté était non seulement meublé grand luxe mais le réfrigérateur était plein pour nous accueillir et les placards aussi. Il y avait tout en commençant par les provisions jusqu’au linge.
Mes parents n’avaient pas encore signé l’acte d’achat et j’avais là déployé devant moi dans toute sa splendeur, l’art de la mise en scène américaine pour faire craquer le client potentiel. C’était au-delà de l’imaginable et pour un prix à l’époque dérisoire proportionnellement à ce qui était offert en termes de produit et services et surtout comparativement au coût de la vie en France. Je passais huit jours de rêve et moi qui n’avais jamais eu le goût du sport jusqu’à ce moment-là, je goûtai les joies d’un Spa aussi extraordinaire que luxueux et me mis donc pour un temps à aimer faire du sport.

Je savais que je rencontrerai des juifs puisqu’il y avait déjà nos amis et les amis de nos amis qui nous avaient invitées à la Bar-Mitzvah de leur fils sans même nous connaître.
C’est d’ailleurs très souvent comme cela que cela se passe chez nous. Ainsi je découvris l’énorme communauté juive de Miami et fit de nombreuses connaissances.
L’ensemble résidentiel était habité et fréquenté presque uniquement par des juifs. Certains y vivaient à l’année et d’autres habitant New-York et Chicago principalement y avaient un pied à terre. Et quel pied-à-terre ! C’était vraiment le genre d’endroit où vous êtes totalement déconnecté de la réalité terrestre quotidienne des masses populaires.
Vous êtes dans le luxe jusqu’au cou, dorlotez par tout le personnel au petit soin pour que vous fassiez moins que rien. Ce n’est pas vraiment l’environnement où l’on se pose des questions existentielles.
Mes parents achetèrent un appartement et mon frère également. J’y allai plusieurs fois jusqu’à notre rupture professionnelle et j’y passais une grande partie de l’année 1992.

En effet dans la multitude de projets que nous avions mon frère et moi, il s’en était glissé un nouveau : celui de monter une affaire aux Etats-Unis. Il y avait un des mes amis et fournisseurs juifs parisiens qui voulait déjà depuis longtemps exploiter et développer son produit sur le marché américain. Il fallut donc faire une étude, ce projet, ce que je fis une bonne partie de l’année avant de découvrir la trahison qui allait mettre fin à tous ces beaux projets.

En fait, cette année 1992 et plus globalement la période des projets familiaux fut à l’image de Miami: le miroir aux alouettes. Cet endroit est une vitrine parfaite pour les personnes qui n’ont d’autre souci que se dorer au soleil toute la journée, se faire dorloter par leur masseur, faire quelque exercice physique quand même et terminer leur journée harassante par l’incontournable shopping qu’elles n’ont même pas à sortir du coffre de leur voiture puisque lorsque vous vivez dans ce type de complexe de super grand luxe, vous laissez les clés de votre voiture au portier de votre immeuble qui vous gare votre véhicule et vous monte directement à votre appartement toutes vos emplettes.
Vivre de cette manière aux Etats-Unis qui est (ou était) quand même la première puissance au monde a vite fait de vous monter à la tête, d’autant que ce pays a l’art de la mise en scène et de vous faire croire en un instant que vous êtes devenue la personne la plus importante de la planète, histoire de vous prendre le  maximum de dollars !
Je pris beaucoup de plaisir à profiter de cet endroit même s’il était clair que ce n’était pas ma vie.
Et puis les coulisses de Miami sont loin d’être à l’image de la vitrine. C’est un lieu où règne toute la débauche possible,  et des magouilles inimaginables. Les moments que j’y vécus illustraient parfaitement les contradictions familiales.
Selon mes parents, les moments merveilleux étaient concrets, bien réels et les moments horribles n’étaient que fausses idées, fantasmes, divagations, illusions, pure construction de mon esprit qui ne reposaient sur rien....


MES QUESTIONNEMENTS DE FOND
Pour eux comme pour tous les juifs, il n'y a que l'argent qui compte. 
Ce sont des individus liés à la matière sans aucune spiritualité et qui ne croient que ce qu'ils voient.
Voilà en deux mots en quoi consiste la philosophie juive:  d’un côté des preuves visibles, tangibles, matérielles incontestables et de l’autre des ressentis abstraits,  intangibles, invérifiables donc faux et n’ayant aucune valeur.
Les preuves, toujours les preuves !
Les juifs font en sorte que tout ce qui est matériel, concret et tangible balaie d’un revers de main tout ce qui ne l’est pas.
Ce type de vie trop parfaite en apparence, trop luxueuse, trop à peu près tout et bien sûr trop superficielle généra pour moi, au fil des ans, encore plus de questions.
            
Comment était-ce possible que les Juifs soient présents et majoritaires partout où règnent le luxe, le pouvoir et l’argent mais aussi la débauche et les magouilles, la violence et le sang qui coule ?

Comment était-il possible que partant d’une situation aussi catastrophique que celle de l’après guerre, les juifs aient réussi à atteindre aujourd'hui les sommets de la société partout sur la planète, occupant les plus hauts postes, les meilleures places?

Comment est-il possible que sur les sept milliards d’êtres humains de la  Terre, on ne voit partout et on n’entende parler que des juifs alors qu'ils ne sont que quatorze voire quinze millions grand maximum  (selon les données qui varient entre 13,3 et 14,7), ce qui ne change rien à leur puissance inversement proportionnelle à leur nombre ?

 Comment se fait-il que les juifs soient aussi haineux, racistes, sectaires,  méprisants, arrogants envers tous les non-juifs alors qu'en même temps, ils veulent se faire passer pour de pauvres victimes ?
Comment se fait-il que les juifs ne cherchent à faire aucun effort pour s’intégrer dans les pays où ils vivent pourtant en minorité mais au contraire ne cherchent toujours qu'à dominer ?

Comment se fait-il que les juifs qui sont loin d'être exemplaires dans leurs comportements soient le peuple élu par dieu  ?

 Et comment se fait-il que dieu ait laissé massacrer son peuple élu adoré pendant la seconde guerre mondiale?

Comment se fait-il que bien que de la seconde génération, nous ayons eu obligation d’hériter et de perpétuer la Shoah sous peine de trahison à la communauté ?

Comment se fait-il que les juifs n’aient aucune conscience spirituelle mais seulement la vénération du matériel ?

Comment se fait-il que les valeurs avec lesquelles j’ai été élevée (qui sont en réalité des non-valeurs à mes yeux : cupidité, convoitise, jalousie, mensonge, manipulation, trahison, vol, inhumanité, cruauté, insensibilité) soient devenues progressivement les valeurs de notre société actuelle ?

Chapitre 3 - Naissance, Enfance, Adolescence

NAISSANCE

Je suis donc née au printemps de l’année 1956 dans une famille juive ashkénaze. Enfin ashkénaze aux trois quarts puisque ma grand mère maternelle était séfarade.
Mes grands-parents paternels s’étaient établis en France en 1925 arrivant de Belz en Bessarabie, province de l’Empire Russe. Ils avaient six enfants, quatre garçons dont mon père, et deux filles. Tous étaient nés en Russie sauf mon père, le petit dernier qui vint au monde en France en 1928. 
Mon grand-père maternel était lui aussi né à Belz et vint en France lorsqu’il était encore enfant avec ses deux frères et  sa mère déjà veuve. Les deux familles se connaissaient depuis toujours.
Ma grand-mère maternelle quant à elle, naquit à Salonique en Grèce. Elle faisait partie d’une famille de quatre filles dont les ancêtres avaient fui l’Espagne et le Portugal.
Mes grands-parents maternels eurent deux filles dont ma mère, l’aînée naquit en 1933.
Toute ma famille vécut la seconde guerre mondiale en France, déménageant à plusieurs reprises d’une région à l’autre pour se cacher et survivre. Des membres de notre famille furent déportés dont de très jeunes enfants.
Mon grand-père paternel qui avait survécu à cette terrible  guerre avec femme et enfants mourut à la libération d’une maladie intestinale relativement bénigne, laissant ainsi son épouse avec leurs six enfants à élever.
Du côté maternel, mon grand-père revint de la guerre ayant perdu son bras droit et  décidé à quitter la France avec femme et enfants. A cette époque, lorsque une famille juive pensait à émigrer, un de ses membres, souvent célibataire, partait en éclaireur visiter le pays et la ville pressentis pour évaluer les capacités d’adaptation pour le reste de la famille qui ensuite suivait ou non.
Mon grand-père maternel fit exception à cette règle. Toute  la famille prit le bateau pour Montevideo en Uruguay. Mais en arrivant là-bas, il comprit immédiatement qu’il ne s’acclimaterait jamais et ils revinrent    de là où ils étaient partis pour s’établir définitivement.

Aussi lorsque mes parents se marièrent, ce furent de joyeuses retrouvailles entre leurs familles respectives puisque ma grand-mère paternelle et mon grand-père maternel étaient tous les deux originaires de la même ville, qu’ils avaient survécu à la guerre et mariaient maintenant leurs enfants ensemble. Ce fut un beau mariage qui fut célébré à la synagogue dans la pure tradition ashkénaze par une chaude journée de l’été 1952.

A peine mariés, mes parents tentèrent leur chance à Paris où mon père avait reçu une proposition de travail d’un de ses frères. En effet, les deux aînés habitaient Paris et étaient installés dans le sentier où ils avaient des affaires de tissus et de vêtements en gros. L’expérience parisienne de mes parents fut de courte durée car ils ne s’entendirent pas avec le fameux frère.

A son retour, mon père monta une affaire de gros. Son magasin était presque en face de son autre frère qui lui était bonnetier et également dans la même rue que ses deux beaux-frères mariés à ses soeurs. Mon  père innova en créant la première boutique de prêt-à-porter en gros avec vitrine ! Là était la nouveauté : une vitrine qui présentait les vêtements comme dans une boutique de détail.
Ma famille n’avait pas d’argent après la guerre et n’en avait jamais vraiment eu avant non plus. Du côté de mes grands-parents paternels ils étaient aubergistes en Russie et en France, ils avaient toujours eu un commerce de vêtements mais qui leur rapportait juste de quoi vivre. Du coté, de mes grands-parents maternels, ils étaient commerçants mais avaient de tous petits moyens. Et la guerre avait fait perdre à tous le peu qu’ils avaient. 
Aussi pour la génération des enfants qu’étaient mes parents,  mes oncles et mes tantes, monter une affaire de gros était ce qui était le plus facilement accessible financièrement tout en  correspondant à leurs capacités. Ils s’étaient bien sûr endettés pour acquérir ces commerces et travaillaient dur.
Leur force était de ramener de leurs voyages hebdomadaire les dernières nouveautés, ainsi tous les détaillants du département et même de la région n’avaient que quelques kilomètres à faire pour s’approvisionner. C’est grâce à cet avantage pour la clientèle que toute la famille s’enrichit très vite.
         
Ma mère travaillait avec mon père mais elle ne pensait qu’à une chose: quitter les bas-quartiers pour s’installer dans les beaux quartiers. Le quartier de gros, comme c’est souvent le cas, était situé dans le quartier populaire de la ville, ce qui n’était pas du tout à son goût.
Comme tous les juifs qui avaient vécu la seconde guerre mondiale, elle avait souffert de privations, du manque de nourriture, du manque de confort, du manque de sécurité en plus des humiliations. Ce qu’elle  voulait, c’était prendre sa revanche et le seul moyen d’y arriver était par l’argent.
Ma mère avait six ans lorsque la guerre avait éclaté et elle en  était restée profondément traumatisée. Elle avait peur d’à  peu près tout. Seule la sécurité et le confort qu’apportait l’argent viendraient à bout de ses   angoisses, de ses peurs.
Aussi, elle choisit comme mari un homme qui pouvait satisfaire ses besoins d’argent mais qu’elle pouvait aussi contrôler.  
Mon père avait le profil parfait de l’homme qu’elle cherchait. Il était fort physiquement mais lâche et manipulable.
Elle se cacha derrière lui presque toute sa vie et vécut par procuration. Le traumatisme de la guerre avait généré chez elle beaucoup de ressentiment et d’amertume qui allaient se transformer en vengeance. Elle ne pensait qu’à une chose : montrer au monde entier qui elle était.
Le seul moyen pour y arriver était  l’argent. L’argent devint sa seule motivation, sa seule valeur.
- "L’argent achète tout. Sans argent, tu n’es rien", m'a t-elle toujours dit.
Plus elle aurait d’argent, plus elle se sentirait forte, puissante et serait arrogante.  
Elle ne fit rien d’autre de sa vie que manipuler mon père pour obtenir ce qu’elle voulait.
Manipuler, intriguer, manigancer, diviser pour mieux régner, pour mieux éliminer ce qui la gênait étaient ses grandes qualités dont mon frère allait être le digne héritier.   

Selon sa vision, elle ne faisait que "guider" mon père. Je fus toujours étonnée de constater que cette femme qui ne pensait qu’à elle, qui passait son temps à critiquer quiconque se trouvait sur son chemin, qui se voulait le centre du monde, tellement imbue d’elle-même et de sa supériorité, ne choisisse de vivre les choses que par procuration.
C’est avec cet exemple devant les yeux, cet état d’esprit et cette conception de la vie que mon frère et moi fumes éduqués.
Mon père était totalement étranger à toutes ces subtilités,  durant toute son existence  il ne verrait rien ou plutôt ne verrait que ce que ma mère lui montrait. C’était un gros travailleur et pour lui, la seule chose qui comptait était de construire une famille et de vivre confortablement.                    
Cet homme qui paraissait avoir un tempérament fort et autoritaire, ne laissait aucun espace pour discuter ses ordres, enfin ceux de ma mère.

Toute notre famille travaillait dans le même quartier. Ils étaient tous commerçants dans le textile, depuis le tissu au mètre jusqu’à la robe de mariée en passant par la bonneterie avec ces caleçons molletonnés et le prêt-à-porter parisien dernier cri.  Et tout le monde était juif bien sûr. Le quartier était entièrement juif, il n’y avait pas un seul goy. Seuls les clients étaient goys. C’était la règle, c’était naturel.

Nous vivions tous aussi à côté les uns des autres. Il y avait donc le quartier où les parents travaillaient et ensuite le quartier où tout le monde vivait. Famille et amis de la famille. Nous étions tous voisins, rares étaient ceux qui étaient en dehors du périmètre. Et nombreux furent ceux, famille et amis qui nous rejoignirent au moins pendant un temps. Tout le monde était juif. La question ne se posait même pas car nous vivions entre   nous.
Nous n’étions pas pratiquants. Nous étions traditionnalistes. Cela veut dire que nous respections les grandes fêtes de Rosh Hashanah, Yom Kippour et Pessah, dates incontournables faisant partie de la perpétuation de la Tradition et pour lesquelles nous nous rendions à la synagogue.
La Tradition a toujours eu force de loi chez nous. Et la Tradition empiétait sur tous les domaines de la vie. Notre vie toute entière était la Tradition et donc la Loi. Une loi qu’il était inconcevable de transgresser. D’ailleurs personne n’y pensait jamais. Enfreindre la Loi aurait été pure trahison.

Ensuite bien sûr, il y avait plus ou moins d’affinités entre  les parents. Nous étions beaucoup plus proches de la famille de mon père. D’abord parce qu’il y avait deux tantes et trois  oncles avec conjoints et enfants, ce qui faisait beaucoup de monde, tandis que du côté de ma mère, il n’y avait qu’une soeur célibataire. Le travail créait aussi les affinités.
Ma mère et une des mes tantes par alliance qui étaient donc belles-soeurs par alliance  s’étaient tout naturellement rapprochées l’une de l’autre, victimes du droit de leurs aînées de belles-soeurs et de leur belle-mère à décider de tout pour elles. Et puis, elles avaient des goûts communs. Argent et vie de luxe étaient leur crédo !  
Il faut dire que nous avions affaire à de sacrés tempéraments! Ma grand-mère qui avait élevé six enfants, "une sainte femme" comme disait mon père qui lui vouait avec ses frères et soeurs un respect et une admiration sans borne, ne s’en laissait pas compter et dirigeait tout son monde d’une main de fer. Il n’était pas question de lui désobéir. Et je serai toujours sidérée adolescente de voir comment mon père était devant sa mère comme un petit garçon, aux ordres !
Un autre de ses frères, le second et le plus beau, ne se mariât jamais car il voulait épouser une goy. Sa mère le lui interdit. Ensuite, il voulut se marier avec une juive mais séfarade et "de mauvaise vie" car elle avait déjà eu plusieurs enfants de plusieurs lits, sa mère s’y opposa encore.
Il resta célibataire toute sa vie, mourut seul mais plein d’argent !
Ma mère, égale à elle-même, nous disait toujours :
- "J’ai toujours été la belle-fille préférée car ta grand-mère adorait mon père".      
Ce qui n’empêchait pas qu’elle et ma tante avaient à suivre les ordres de leurs aînées et même si elles se rebellaient contre cette toute puissance, rien n’y faisait, elles devaient le respect.
Le respect a toujours été dans ma famille l’argument de base pour obtenir obéissance absolue.
Pour ma grand-mère, elles étaient les épouses des plus jeunes fils alors il fallait "obéir" aux aînés. Mon grand-père paternel étant mort lorsque mon père n’était encore qu’un tout jeune homme, ses frères et soeurs plus âgés avaient veillé sur lui, et maintenant le pli était pris !
Ma mère enrageait encore davantage que ma tante qui, de tempérament plus souple, adopta une autre stratégie.
Enfin, ces deux belles-soeurs qui étaient de surcroît aussi les deux plus belles femmes de la famille, surnommées la brune et la blonde seraient de très proches amies presque toute leur vie. Mais l’amitié comportait pour ma mère, une composante de rivalité, de compétition. Elle était jalouse, voulant être la première en tout, la plus belle, la plus regardée, celle qui avait les plus beaux atours, la plus belle maison,    la plus belle voiture. Elle avait trouvé en ma tante à la fois sa référence et sa rivale. Et la rivalité se situerait au niveau de l’argent ! Mais ma mère serait seule à jouer à ce jeu-là. La grande différence entre elles était que ma mère manipulait mon père pour lui faire faire exactement ce qu’elle voulait tandis que chez ma tante, c’était mon oncle qui décidait.
Et mon oncle serait meilleur en affaires que ma mère !
       
Dans ce contexte familial, je naissais quatre ans après le mariage de mes parents et devenais ainsi leur premier enfant.
Ma mère souhaitait un garçon mais c’est de moi qu’elle accoucha. Mon père, cloué au lit avec 40° de fièvre, n’avait pas de préférence et ne réalisa même pas quand sa femme partit  accoucher. Ce fut mon oncle, le frère de mon père qui était aussi notre voisin qui accompagna sa belle-soeur à la clinique.
Elle mit plus de vingt six heures à me mettre au monde dans de terribles douleurs. Lorsqu’enfin je vis le jour, je refusais de me nourrir, de téter plus exactement. Je repoussais le sein qu’elle m’offrait et l’épisode  allaitement tourna très vite à l’aigre, c’est le cas de le dire. D’autant que le médecin accoucheur ne réagit pas assez vite et que ma mère se retrouva  avec des montées de lait dont elle ne savait que faire qu’il fallut traiter de manière drastique, ce qui lui provoqua une infection qui dura pendant plus de trois mois.
Cela commençait bien !
Ce fut un tel traumatisme qu’elle  jura qu’on ne l’y reprendrait plus. Aussi mon petit frère naquit six ans plus tard et encore après force argumentation de mon père.

Mon oncle, le frère de mon père et sa femme qui étaient mon oncle et ma tante préférés étaient nos plus proches voisins  avec leurs trois enfants, deux filles et un fils. Nous habitions dans la même rue, sur le même trottoir, juste à quelques maisons d’intervalle. Les deux soeurs de mon père dont l’une avait deux enfants, garçon et fille et l’autre  trois enfants des jumelles et un garçon habitaient une rue adjacente où elles étaient voisines de leur mère, ma grand-mère maternelle qui elle-même était voisine de palier de la mère de ma tante par alliance. Ma grand-mère maternelle avait marié un fils et une fille aux enfants de celle qui était devenue sa voisine. Un frère et une soeur mariés avec un frère et une soeur.
Toujours dans le même quartier, du côté de ma mère, sa cousine germaine dont la mère était aussi la soeur de ma grand-mère maternelle, décédée très jeune, habitait dans la même rue que nous avec mari et enfants.
Mais nous les fréquentions peu. Ma mère et sa cousine ne s’entendaient pas.
- "Nous avons une situation qu’elle n’a pas. Son mari est un fainéant alors il vaut mieux qu’elle ne voit pas ce que j’achète ni comment je vis, elle est déjà assez jalouse comme ça".
La jalousie joua un grand rôle dans la vie de ma mère.   
Une de ses tantes, une autre soeur de ma grand-mère maternelle, habitait avec son mari et leurs deux fils, encore un peu plus loin dans notre rue.
Là non plus, pas terrible l’entente ! Cette fois-ci la jalousie, c’est entre ma grande -tante et ma grand-mère, sa soeur.   
Une petite cousine habitait à l’autre bout toujours de la même rue.  Le frère de mon grand-père paternel, cette fois-ci deux frères mariés avec deux soeurs habitait juste à côté de ma grand-mère paternelle.
Comme nous habitions tous le même quartier, ça entrait et sortait sans arrêt à la maison. Les uns venaient faire la bise en passant, les autres avaient besoin de quelque chose, il n’y avait aucun formalisme et ma mère en était très contrariée. Elle s’en plaignait régulièrement à mon père, lui demandant d’agir auprès de ma grand-mère et de mes tantes mais mon père en était bien incapable.
C’était encore pire pendant les week-ends et les vacances.
Pendant un temps, nous possédions une très belle villa au bord de l'eau. Lorsque ses belles soeurs débarquaient sans prévenir, s’installaient dans les transats en attendant de se faire servir, ma mère pestait car elle devait passer son temps à la cuisine pour préparer les repas. Et dans la cuisine, elle n’entendait pas ce qui se disait, ce qui la rendait encore un peu plus folle de rage d’autant plus qu’ entre eux, ils parlaient le yiddish, qu’elle ne comprenait pas.
- "Chéri, je te demande de dire à tes soeurs et à ta mère de ne pas venir sans prévenir. Elles arrivent et font comme si elles étaient chez elles. Elles s’installent dans les transats et attendent d’être servies. Leurs enfants mal-élevés filent directement dévaliser le réfrigérateur et moi je ne suis bonne qu’à préparer à manger. Il n’y rien à faire pour qu’elles partent avant le soir et encore. Je n’en peux plus. Ça ne peut plus durer."

Mon père ne parla jamais à ses soeurs et encore moins à sa mère si bien que la seule solution pour ma mère qui "vivait un enfer avec la famille" fut de vendre la villa.
Désormais, nous irions à l’hôtel. Le problème était réglé.                 

Nous avions aussi de la famille à Paris, à Tel-Aviv et Haïfa en Israël, en Russie, à New-York et Miami aux Etats-Unis.
Cela me faisait plein de cousins et cousines mais j’étais plus proche des garçons car nous avions sensiblement le même âge tandis que mes cousines étaient soit plus âgées, soit plus jeunes. 


ENFANCE

De mes toutes premières années de vie dont je ne me souviens pas, ma mère me raconta encore et encore que son gros souci était que je ne mangeais rien, ce qui la désespérait.
Elle me retraça des centaines de fois les scènes de repas :
- "Tu ne voulais rien mettre à la bouche, j’achetais ce qu’il y avait de meilleur et tout partait à la poubelle. Toutes les petites côtelettes d’agneau, les haricots verts frais, tout était jeté. Même être à table avec tes petits cousins qui dévoraient n’y changeait rien. Tu ne voulais rien avaler. J’étais complètement désespérée d’avoir une enfant qui ne mange rien.
Quand tu étais encore bébé, je prenais toutes les petites cuillères en argent de la  maison que je faisais sauter sur le plateau en argent et dès que tu ouvrais la bouche, je t’enfournais une cuillère dans la bouche que tu recrachais aussitôt.
Je jetais des poubelles entières de nourriture. Tu étais une petite fille adorable, on aurait dit une petite poupée de saxe  mais qui ne mangeait rien. C’était vraiment désespérant pour une mère. J’aurai pu acheter des meubles en or avec tout ce que j’ai pu jeter. Ce n’est qu’à la naissance de ton frère que tu as commencé à manger." 
Sur les photos, j’étais petite et menue mais je ne paraissais pas sous-alimentée ou affamée. J’étais joyeuse et très vive.

Nous habitions une très belle maison de pierre que mes parents louaient à des coreligionnaires et qui se situait dans un quartier cossu de la ville.
Elle fut la maison de mon enfance. J’y vécus jusque à l’âge de seize ans avant de déménager dans un appartement.
Elle était sur trois niveaux. Le niveau rue comprenait le garage, la chambre de la bonne, la lingerie, la pièce de jeu et l’accès au jardin. Il y avait aussi sous l’escalier intérieur qui reliait le garage au vestibule, une porte "mystérieuse" en fer blindé qui suscita bien des questions de ma part et de celle de mon frère mais jamais aucune réponse.
Une fois la porte d’entrée de la maison franchie, il fallait monter un demi étage pour accéder à l'entrée qui desservait le salon et la salle à manger qui était un bel ensemble transversal entre la rue et le jardin, la  cuisine et son arrière-cuisine, le bureau de mon père. Il y avait ensuite un autre escalier qui desservait l’étage avec ses trois chambres, la salle de bains et la salle de douche qui faisait aussi office de dressing.
-"Cette maison est vraiment épuisante à monter et descendre sans arrêt." répétait sans cesse ma mère.
Pourtant nous avions une bonne à tout faire qui vivait chez nous à plein temps. Elle n’avait que le dimanche après midi comme jour de congé. Plus une repasseuse.
Aussi loin que ma mémoire remonte, je n’ai jamais vu ma mère accomplir la moindre tâche ménagère lorsque j’étais enfant. Même pour les repas de fêtes, elle se débrouillait pour que ce soit ma grand-mère, excellente cuisinière et adorant cuisiner, qui les prépare. Elle formait aussi la bonne pour la cuisine quotidienne. Nous avions à notre service le plus souvent des espagnoles ou des portugaises.
- "Au moins, c’est pas comme les Françaises, elle ont le sens de la cuisine", disait -ma mère à qui voulait l’entendre.
Elle a toujours détesté les Français. Elle les méprisait. Pour elle, ils ne faisaient rien de bien.
D’ailleurs nous ne parlions jamais des Français mais des goys. Goy était le mot que tout le monde employait pour parler d’un Français, d’un non-juif. Toute la famille haïssait ces goys méprisables,  c’était normal.  
Ma famille qui avait été cachée et sauvée à maintes reprises par ces goys ne leur en était même pas reconnaissante.
- "Ils sont ordinaires, fainéants. Ils ne sont pas propres et tellement bêtes."  
Plus tard, entre ma mère qui dédaignait les Français et mon père qui toute sa vie critiqua la vie en France, préférant les Etats-Unis, je n’eus de cesse que de vouloir quitter ce pays.
On m’avait appris à ne pas l’aimer. On m’avait appris que seule ma culture et ma religion comptaient. Que finalement être Français ou de n’importe quelle autre nationalité revenait au même. On m’avait appris que l’on pouvait vivre partout à partir du moment où l’on faisait ce que l’on avait à faire.
J’étais très perplexe.
- "Comment se fait-il qu’après avoir vécu toutes les horreurs de la guerre ici dans ce pays que vous détestez, vous soyez quand même restés? Je ne comprends pas. Je ne comprends pas que vous ayez voulu construire votre nouvelle vie dans un pays que vous critiquez tout le temps. Pourquoi n’êtes vous pas partis aux Etats-Unis ?"
Mon père me répondit :
- "On fait ce qu’on a à faire ici ou ailleurs, c’est pareil. Et puis à la fin de la guerre, j’étais encore très jeune, je venais de perdre mon père et il nous fallait gagner de l’argent pour survivre. J’ai arrêté l’école très tôt pour aider ma mère et mes frères et soeurs."  
- "Oui bien sûr mais avant de te marier ou juste au début de votre mariage, vous auriez pu partir. Tu aurais pu choisir d’aller dans un pays qui te plaisait davantage."     
Ma mère me répondit:
- "Tu sais moi je suis partie pour vivre avec mes parents et ma soeur à Montevideo. Mais nous ne connaissions personne là-bas. Ici au moins, nous connaissions tout le monde. Nous n’étions pas seuls."
C’est vrai que j’ai toujours constaté un vrai paradoxe entre la critique permanente de la France de la part de mon père, le mépris constant de ma mère pour les goys et le fait qu’ils ne partent jamais. C’était pour moi totalement illogique.    
     
Le quartier était agréable et bien fréquenté: il n’y avait que des juifs et quelques familles non-juives de médecins, d’avocats et autres professions malgré tout respectables.
Chez nous, je veux dire chez les juifs, presque tout le monde était de la même génération, celle de l’après-guerre, qui s’était mariée et avait des enfants. Et nous vivions entre nous.
Le seul endroit où je rencontrais des non juifs était à l’école parce qu’il n’y avait pas d’établissement scolaire juif dans notre ville. Je fis toute ma scolarité à l’école publique de la République.
La maternelle était située à environ à huit cent mètres de la maison, c’est ma mère qui m’accompagnait. J’ai peu de souvenirs de la maternelle. Mes premiers souvenirs remontent à l’école primaire. J’étais une élève sérieuse et appliquée mais aussi joueuse et sociable. J’avais plein de copines et voulais les inviter à la maison le jeudi après midi pour jouer. Mais je n’en avais pas le droit.
- "Pourquoi ?"
Ma mère m’expliqua :
- "Tu sais ma chérie, c’est mieux que tu joues avec tes cousins. Je ne veux pas que tes amies de l’école viennent à la maison."
- "Pourquoi maman ?"
- "Parce qu’ils sont différents de nous, nous ne devons pas nous mélanger à eux."
J’étais petite, six ou sept ans, et toute l’éducation que je reçus, tout ce qui me fut instillé aussi loin que je m’en souvienne était que nous ne devions jamais nous mélanger aux goys.  Jamais.
- "Il ne faut pas qu’ils voient comment nous vivons, ils seraient jaloux. Tu sais c’est à cause de la jalousie que l’on a toujours été massacré. Ils nous détestent tellement alors tu dois faire attention de ne jamais rien raconter de ce qui se passe à la maison."
Ma mère était obsédée par le secret. Il fallait toujours tout cacher même les choses les plus anodines à mes yeux. Elle avait peur de tout et de tout le monde. Tous les goys lui voulaient du mal.         
J’étais très jeune et cela suscita chez moi  une grande incompréhension. D’autant que j’adorais jouer, comme tous les enfants, à la poupée mais aussi à la marchande et au docteur. J’aimais beaucoup commander, décider, diriger, être responsable de quelque chose. Consciencieuse par nature, tout ce que je faisais était toujours avec beaucoup d’application. Seule ou avec d’autres enfants, je pouvais jouer des   heures tranquillement. Une fois plongée dans mes activités, j’étais une enfant sage et plutôt tranquille.
C’est comme ça que j’appris à jouer seule, jouant à tour de rôle, la marchande et la cliente ou le docteur et son malade.
C’est aussi comme cela que je compris que je ne devais pas fréquenter d’autres enfants en dehors de ceux de la famille et des amis de la famille car nous leur étions supérieurs. Les fréquenter, c’était nous abaisser.
Et ils étaient dangereux.     

Aussi lorsque mon frère naquit, ma mère qui mourrait d’envie de l’appeler David, refréna son désir et lui donna un prénom des plus communs.
Mon frère fit son entrée dans la famille au printemps 1962. Elle m'avait tout naturellement préparé à cette naissance:
- "Tu as six ans, tu es la grande fille, tu pourras t’occuper du bébé, le surveiller, jouer avec lui. "
A l’époque, on ne connaissait pas le sexe de l’enfant à naître. Je pris la chose très au sérieux, attendant ce bébé et cette responsabilité de pied ferme.     
Un poupon tout blond vint au monde. C’était un très beau bébé. Mes parents étaient fous de joie. Ma mère rayonnait.
- "Un garçon ! Tu te rends compte chéri", s’adressant à mon père.
Elle venait de mettre au monde un fils !
La vie lui offrait maintenant l’occasion tant rêvée de prendre sa revanche sur son père qui, lui, n’avait pas eu de fils. Il l'avait toujours traitée avec beaucoup de dureté et elle en était restée traumatisée.
- "Je n’avais même pas le droit de lire dans mon lit avant de m’endormir. Lorsqu’il revient de la guerre avec un bras en moins, son caractère empira encore et je devais tout faire pour lui. Il me donnait des ordres que je devais exécuter dans l’instant. Je n’avais pas une minute pour moi, j’étais devenue son bras droit. Heureusement qu’il y avait ma mère que j’adorais mais elle n’eut jamais droit à la parole et c’était moi qui devait la défendre lorsque mon père s’en prenait à elle."
Et même si elle ne se laissait pas faire, c’était quand même son père et elle lui devait le respect.
Là encore, respect signifiait obéissance absolue et il était  impensable de manquer de respect aux aînés.
Ma mère, très ambitieuse,  devint de plus en plus orgueilleuse au fur et à mesure qu’elle obtenait ce qu’elle voulait de la vie.
Et la naissance de mon frère fut pour elle, le début de l’ascension vers la démonstration de sa perfection.
Elle avait réussi là où son père avait échoué.
C’était une grande victoire pour cette femme qui n’a jamais compris les relations humaines autrement qu’en rapport de forces : dominant ou  dominé. Elle me dit un jour :
- "J’ai toujours su ce que je voulais et j’ai toujours fait en sorte de l’obtenir."
Après son mariage, lorsque mon grand-père arrivait à l’improviste à la maison, elle le recevait vertement.

En devenant l’épouse de mon père dont elle savait très bien que la famille avait plus d’argent que la sienne et surtout en aurait encore plus à l’avenir au vu de leurs ambitions à tous, elle acquérait une situation de plus en plus confortable et pouvait ainsi subvenir aux besoins de ses parents qui avaient toujours eu depuis le retour de la guerre de mon grand-père des problèmes de travail et d’argent.
Ma grand-mère, par exemple, travaillait comme caissière d’un de nos magasins. Ainsi, mes parents assuraient à mes grands-parents l’argent dont ils avaient besoin pour vivre, ce qui changeait la donne et en conséquence son attitude envers eux et notamment son père.

Elle jubilait littéralement d’avoir un fils.
Dans la religion juive, c’est important d’avoir un fils. C’est  encore mieux s’il est le premier né mais même en seconde position, ça va aussi. L’honneur est sauf ! D’autant que pour l’instant, il n’y avait qu’un garçon dans toute la famille pour pérenniser le nom. Mon frère était donc le second. 
Aussi à peine né, les discussions allèrent bon train pour savoir qui serait son parrain,  qui serait celui qui aurait l’honneur de tenir le bébé pendant la Brit-Mila (la circoncision). Ils étaient deux en lice parce que ma mère avait malencontreusement promis au mari de sa cousine germaine qu’il serait le parrain. Sauf que cela ne se faisait pas, le parrain devait être un frère de mon père, alors il y eut dispute.
C’est dans ce contexte familial que mon frère fut circoncis et eut deux parrains.

C’est aussi à partir de sa naissance, que les choses changèrent pour moi de manière drastique.
Comme annoncé et promis, à chaque fois que c’était possible, je m’occupais de mon petit frère. Or un jour alors qu’il n’avait encore que quelques mois, ma mère me le retira brusquement des bras pendant que je le consolais d’un gros chagrin.
Son geste choqua profondément la petite fille que j’étais et marqua à jamais la rupture entre lui et moi.
Ma  mère n’a jamais été tendre. Jamais aucune démonstration affective, jamais un seul câlin, jamais la moindre chaleur. Lorsque enfant, j’étais  en demande de bisous, je m’approchais d’elle mais elle ne comprenait pas ce que je voulais. Je ne l’ai jamais vue, je ne l’ai jamais sentie avoir la moindre émotion sincère. Elle était vide de tout sentiment, même la bise du matin et celle du soir, étaient dénuées de toute chaleur humaine, ressemblant plus à un automatisme froid, indifférent et distant.
Naturellement ce fut la même chose pour mon petit frère.
La seule personne qui nous témoignait un peu plus de chaleur, ne serait-ce parce qu’elle nous faisait des bisous à chaque fois que nous étions avec elle, était ma grand-mère maternelle.
Mon besoin inextinguible d’amour, de tendresse, d’affection et de reconnaissance allait générer les drames et les souffrances  de ma vie.
Le point positif était que cette souffrance développerait aussi  chez moi une grande sensibilité, une acuité à l’observation et au ressenti même si je mettrais du temps à l’utiliser.  

Des années plus tard, me remémorant ce jour terrible où ma mère m’avait enlevé mon petit frère, je réalisais qu’elle ne pouvait pas laisser un lien fort s’établir entre mon lui et moi. Elle était une femme dotée de peu d’intelligence mais très instinctive. Sa devise était : diviser pour mieux régner.
Je la sentis dangereuse très tôt mais pas mon père que j’aimais énormément. Il paraissait me le rendre, au moins par moments. Ce n’est que plus tard que je réalisais qu’il était comme eux, même pire puisqu’il était une marionnette inconsciente entre les mains de sa femme puis de son fils, en plus d’être d’une lâcheté au-delà du concevable. Ce constat fut un des plus difficiles à accepter dans ma vie.
Autant ma mère était une femme totalement prévisible dans ses réactions, autant mon père pouvait être relativement bienveillant par moments, d’une méchanceté et d’un violence  surprenantes à d’autres. C’était surtout flagrant lorsque je m’opposais à lui sur des questions me concernant.
Mes idées étaient toujours à l’opposé des leurs. Je ne voyais jamais les choses comme eux mais tant que nous évoquions des sujets neutres et superficiels, des questions d’actualité sans importance, ils me laissaient m’exprimer et nous avions même des échanges. Par contre dès qu’il s’agissait d’aborder une demande, un besoin, un désir et pire une revendication qui me tenait à coeur, son attitude changeait. Il devait le sentir et là, je recevais pour toute réponse un rejet violent qui clôturait le débat.
De nature frontale, je partais me fracasser régulièrement pour défendre mes besoins, mes désirs contre cette autorité oppressante. A chaque fois, je revenais vaincue, ayant perdu un peu plus de ma confiance, un peu plus niée, un peu plus maltraitée, un peu plus dévalorisée. Je me sentais forte intérieurement mais extérieurement j’étais totalement impuissante, ce qui contribua à me couper de cette confiance, de cette force intérieure qui ne trouvaient  jamais écho à l’extérieur ! Au fur et à mesure, je me coupais de ma nature profonde, de mon intuition et me réfugiais dans le travail ou dans la nourriture.
Je sentais qu’ils se livraient contre moi à une démolition en règle sans pour autant pouvoir le prouver et surtout pouvoir en sortir.
J’étais seule, jamais épaulée par personne alors que j’avais une très grande famille.
Je soupçonnais d’ailleurs ma mère de travailler de façon indirecte, insidieuse et souterraine contre moi auprès des membres de ma famille, au vu de leurs réactions à mon égard. Elle me chargeait de tous les torts et défauts dont le plus visible était bien sûr ce manque de respect, cette capacité à répondre, à argumenter en pointant le décalage de traitement auquel j’avais droit constamment comparé à mon frère ou à mes cousins. Tandis qu’ils niaient, arguant de mon caractère difficile, ils affichaient leurs bonnes intentions de parents exemplaires tandis que j’étais "une enfant difficile avec des idées bizarres dans la tête". 
Toutes les apparences étaient contre moi. D’autant qu’extérieurement, j’avais matériellement tout ce dont j’avais besoin.
- "Je ne sais pas ce que tu as dans la tête pour avoir des idées pareilles. Nous faisons tout pour toi. Tu as tout ce que tu veux. Tu es trop gâtée !"
Visiblement, ils ne comprenaient rien à mes besoins.    
Pas soutenue à l’intérieur de la famille, quant à  l’extérieur, on m’avait appris que si je "sortais", le simple fait d’être juive me mettrait en danger. Alors, où  était la solution?

Mes besoins affectifs allaient me mettre dans des situations inextricables.      
Pour rajouter au désastre, ma mère s’évertua à "transférer" mon rôle d’aînée à mon frère afin que je sois encore un peu plus soumise à leur domination.
Mais je ne me laissais pas faire et étais punie pour cela. Ma mère m’avait acheté un petit cahier qui se fermait avec un cadenas dont je cachais la clé après avoir écrit mes pensées du jour. C’était mon journal intime. Chaque soir, j’y relatais les évènements vécus dans la journée, mes petits secrets, mes ressentis. Or un jour, elle fouilla dans mon bureau et trouva la clé.
Ce fut terrible. Je fus très sévèrement punie pour ce que j’y avais écris. Elle attendit que mon père rentre du travail, lui raconta l’histoire et je reçus une correction dont je me souviendrais toute ma vie. Mais ce ne fut pas tout. A partir de ce jour, j’avais interdiction de fermer tout tiroir ou placard à clé et elle fouilla ma chambre régulièrement. A chaque fois qu’elle y trouvait quelque chose de caché, je recevais à nouveau une correction par mon père. Ce qui arriva même lorsque je cachais des bonbons entre le matelas et le sommier de mon lit. C’est aussi à ce moment là que débuta la punition préférée de ma mère : les lignes. Je devais faire des centaines de lignes, la règle était de 500 " Maintenant je respecterai mes parents. Plus jamais je ne les critiquerais....". Cette punition dura des années. A chaque fois que je disais quelque chose qui ne lui convenait pas, j’avais droit à des lignes et interdiction de sortir de ma chambre, même pour prendre le repas, tant qu’elles n’étaient pas terminées.      
Après cet épisode, j’eus toutes les peines du monde à consigner par écrit mes expériences vécues, pensées et ressentis. Même certains de mes devoirs de français me posèrent problème à  rédiger. J’avais peur d’écrire ce que je pensais. Encore aujourd’hui, il m’est plus facile de m’exprimer en paroles que par écrit.   

Mais il y eut pire : des punitions  plus sournoises et dévastatrices que d’autres.
L’été, femmes et enfants partaient les deux mois de vacances à la mer. Nous avions tous des villas, achetées ou louées et tous, à côté les uns des autres. Nous passions nos journées à la plage. Après le pique-nique de midi, il me fallait attendre des heures avant de pouvoir à nouveau aller me baigner. Ma mère était intraitable sur le temps de digestion au point qu’elle regardait l’heure à la minute près tandis que mes tantes, beaucoup plus laxistes, laissaient leurs enfants se baigner beaucoup plus tôt. Cette attente était interminable à tel point que lorsque j’avais enfin le feu vert, mes cousins, eux, sortaient de l’eau. 
Je me baignais ainsi toute seule pendant des étés entiers. Alors que je n’étais encore qu’une petite fille, cela me traumatisa et m’isola totalement. Si je ne jouais pas avec mes cousins, je ne jouais avec personne puisque nous n’étions qu’entre nous.
Aussi, à l’âge de dix ans, je sautais sur une opportunité qui me fut offerte : partir en colonies de vacances juives avec mes cousins et cousines plus âgés.


ADOLESCENCE

C’est avec la Guerre des Six jours que je pris conscience du gouffre qui allait s’installer progressivement entre mes idées et celles de mes parents. Je venais de fêter mes onze ans quand cette guerre éclata.  J’étais  donc au tout début de mon adolescence, et je croyais en un dieu bon et miséricordieux. J’ai toujours été très croyante. Depuis plusieurs années, je suivais les cours religieux qui préparent à la Bat/BarMitzvah (communion juive fille et garçon). Je n’étais pas intéressée à la faire surtout que je savais qu’elle n’avait aucune valeur religieuse pour les filles. Mais aller à ces cours me permettait de fréquenter des amis de mon âge, étrangers à la famille mais juifs.
D’un autre côté, je pensais qu’il n’était pas nécessaire d’aller à la synagogue pour prier dieu, je me mettais à la fenêtre de ma chambre le soir pour lui demander de nous aider à arrêter cette guerre et de nous protéger. Mes parents me répétaient à chaque occasion que nous avions toujours été massacrés en tant que juifs et que tout le monde voulait toujours nous détruire.
Et lorsque je demandais:
- "Pourquoi ?"
Il me répondaient invariablement :
- "C’est la jalousie, nous ne sommes pas comme les autres. Nous sommes le peuple élu par dieu alors, ils veulent nous détruire. Mais tu vois nous sommes toujours là après plus de cinq mille ans."
- "Comment c’est possible ?"
- "Parce que l’on ne s’est jamais mélangé aux autres. C’est pour cela que nous ne voulons pas que tu fréquentes les goys. Tu n’as rien à faire avec eux."
Mais mon grand-père maternel, franc-maçon, me fit un jour une tout autre réponse que j’allais garder en mémoire.
- "Nous avons toujours été massacrés parce que nous n’avons jamais voulu dévoiler la connaissance, le secret de notre pouvoir et de notre puissance."
Cette explication me marqua bien que je ne la comprenne pas vraiment.
Je savais depuis toute petite que j’appartenais à une religion pas comme les autres, que nous étions peu nombreux, que nous avions toujours été massacrés, que malgré toutes ces horreurs, nous étions toujours là, cinq mille ans plus tard, plus forts qu’avant.
Et je me demandais comment il était possible d’être "aussi formidable" comme disait ma mère.
Cette question relative à notre puissance inversement proportionnelle à notre nombre fut pour moi une question de fond depuis toujours.
Comment pouvions nous avoir autant de pouvoir en étant si peu nombreux alors que nous étions toujours massacrés ?
Je gardais la réponse de mon grand-père dans un petit coin de ma tête. 

Je comprenais très bien qu’avoir un pays était important pour nous, pour notre religion.
- "Israël nous protège, il protège les juifs du monde entier. Avec lui, plus jamais on ne pourra nous massacrer."
Israël était donc notre bouclier. Désormais, il assurait notre survie et la survie de notre religion. C’est vrai qu’on s’en était bien sorti finalement de tous ces malheurs.
Je sentais que ce mot de "religion" était inadapté,  limité, que ce que nous étions, que ce que nous vivions, que ce que nous défendions depuis des milliers d’années dépassait de loin la notion et la définition que l’on donne habituellement à ce mot.      
Le fait est que je pris néanmoins fait et cause pour Israël et fut petit à petit, moi aussi, habitée par cette fierté et cette rage de vaincre l’ennemi : je n’étais pas n’importe qui et je n’allais pas me laisser faire.
Tandis que les discussions allaient bon train à la maison, je ne comprenais pas quand même pourquoi Jérusalem ne serait pas  la capitale des trois religions plutôt que celle d’une seule.
Je trouvais que c’était une manière simple et équitable de mettre tout le monde d’accord. J’étais jeune et naïve !
- "Nous avons gagné! Cette victoire est la nôtre, celle de tous les juifs. A partir de maintenant, les choses vont changer", répondirent mes parents.
Mes parents et plus largement ma famille n’étaient engagés dans aucun mouvement politique, religieux ou autre, ils étaient juifs,  point final. En tant que tels,  ils ralliaient la cause commune dont Israël devint le symbole à l’occasion de cette victoire et serait bientôt le ciment.
Tous les ans, nous recevions d’énormes caisses en bois pleines d’oranges et de pamplemousses. C’était une façon de participer. Mes parents donnaient aussi de l’argent.

Je ne connais pas un juif qui n’aide pas d’une manière ou d’une autre Israël. Ce pays a toujours été crucial pour notre peuple. Il déchaîne chez tous les juifs que je connais une passion irrationnelle. Les juifs sont beaucoup plus attachés à Israël qu’au pays dans lequel ils vivent. C’est indiscutable même s’ils prétendant le contraire. Au mieux, ils sont indifférents au pays dans lequel ils vivent. Par contre, Israël est une bénédiction. Les Juifs le considèrent comme leur patrie, comme un refuge, un endroit où l’on investit, où l’on passe ses vacances, où l’on envoie ses enfants en vacances, étudier, travailler, où l’on prévoit sa retraite, où l’on retrouve ses amis. Curieusement, les juifs de la diaspora s’y sentent en sécurité. Israël leur donne plus de force, plus de puissance, plus de pouvoir.
Ils ne voient absolument pas les évènements qui s’y déroulent de manière objective et sont complètement fanatisés sur par cet état, tout âge, sexe et profil social confondus.

Ce fut mon cas aussi pendant une période. Je me souviens d’un cousin israélien qui venait régulièrement nous rendre visite. Il nous racontait combien la vie était dure et chère. Sur ses trois fils, il y en avait toujours un à l’armée. Le service militaire durait trois ans minimum. Une fois terminé,  et installé dans la vie, il devait une période annuelle à l’armée.
J’étais d’autant plus étonnée qu’ici tous les garçons de la famille se faisaient réformés. Je n’en ai jamais vu aucun faire son service militaire. Un de mes oncles connaissait "quelqu’un qui s’occupait de tout" moyennant finances.
Moi, je fus très jeune attirée par ce que revendiquait Israël : le droit de vivre dignement pour les juifs. Aussi j’étais bien décidée à y partir mais il me faudrait attendre encore quelques années.
Lorsque, enfin, j’atteins l’âge requis, je demandais à mes parents à y partir. Pour une fois, je n’eus pas à argumenter. Je découvris donc Israël la première fois à quinze ans grâce à l’Agence Juive.
Faire le tour du pays était intéressant mais pas suffisant, j’étais frustrée. Je voulais m’impliquer, faire quelque chose d’autre que me dorer sur les plages et visiter. L’année suivante, je partis avec le Bnai Brith travailler dans un mochav au nord du pays près de la frontière libanaise. Cette vie me plaisait beaucoup. J’y découvris que l’on pouvait aussi faire un stage dans l’armée. Les filles pouvaient s’inscrire au même titre que les garçons. L’été encore suivant, je fis mon stage dans l’armée. Notre camp était situé en plein désert. L’entraînement commençait à cinq heures du matin pour se terminer à 16 heures où je courais me baigner dans ce qui servait de piscine. Ce fut une expérience épuisante mais passionnante. J’étais très loin de ma petite vie bourgeoise en France et je fus totalement enchantée.

Les vacances en groupe constituèrent mon seul espace de liberté jusqu’à ma majorité. Ces organisations juives étaient très pratiquantes mais cela ne me gênait pas, au contraire, j’y prenais un certain plaisir d’autant que j’y avais plein d’amis filles et garçons que j’étais susceptible de retrouver aux prochaines vacances. Et puis c’est au cours de ces vacances, que je rencontrais mon premier amour. Il n’était donc pas question pour moi de perdre ce moment de joie, d’amusement et de liberté.  
Mais mon frère ne voyait pas du tout les choses du même oeil. Dès qu’il eut atteint, lui aussi, l’âge de partir en groupe, nos parents voulaient que l’on parte dans la même organisation même si nous faisions partie de groupes d’âge différents. C’était plus pratique et plus facile pour mon père qui nous accompagnait à Paris au départ et venait nous chercher au retour du groupe et puis cela permettait que je  puisse veiller sur mon frère en cas de problème.
Or lui détestait partir en colonies de vacances. Ce qu’il voulait, c’était partir en vacances avec les parents dans les hôtels de luxe. Partir en colonies le rendait fou de rage et il rendait la vie impossible à tout le monde.   
Un peu plus tard, nos parents nous laissèrent le choix entre la colonie et les vacances avec eux mais il fallait que l’on fasse le même.   
Ce fut d’emblée un point de désaccord récurrent entre lui et moi à tel point qu’il finit par en venir aux mains pour m’obliger à faire ce qu’il voulait. Lui ne pensait qu’au luxe entouré de papa et maman et moi qu’aux vacances en groupe sans papa et maman.
Nos parents finirent par trouver un compromis : nous devions partir en colonies pour pouvoir ensuite partir avec eux. 
Le retour des vacances en groupe était toujours difficile pour moi, j’avais le cafard et puis il fallait que je leur rende des comptes au sens propre et au sens figuré sur tout ce que j’avais fait. Pour les comptes financiers, pendant le voyage de retour, je me dépêchais de dresser la liste de mes dépenses de glaces, cartes postales, téléphone et leur préparait la monnaie à leur rendre, puisqu’il fallait que ce soit au centime près. Pour le reste, je sélectionnais ce que j’allais raconter.      

Ma scolarité ne se passa pas trop mal. Dans les petites classes, j’étais appliquée et studieuse. Ensuite seulement lorsque les matières m’intéressaient mais je n’aimais pas l’école. Je n’aimais que les copains et copines que j’y rencontrais. Plus le temps passait, plus j’avais de camarades non-juifs. Cela ne me posait pas de problème. Au contraire, je découvrais un autre univers. Et ils n’étaient pas du tout comme on les décrivait à la maison.
Lorsque je racontais à la maison ce qu’il en était, les commentaires étaient :
- "Fais attention, ne te fis pas aux apparences. Ils nous détestent et sont jaloux de nous. Tu ne peux pas faire confiance à un goy. Tu ne dois pas te familiariser avec eux". 
- "Oui mais je suis passe le plus clair de mon temps à l’école avec eux, alors comment je fais? Vous n’aviez qu’à nous faire vivre en Israël, au moins je ne me serais pas mélangée avec eux ni avec personne  d’autre d’ailleurs que des juifs."
- "Bien sûr, tu vas à l’école avec eux puisqu’on ne peut pas faire autrement mais garde tes distances. Tu ne dois pas les fréquenter en dehors de l’école. Ces goys sont ordinaires. Toi, tu es notre fille, tu n’as rien à voir avec eux."
Toute mon enfance, toute ma vie, j’entendis la même chose.
Entre les goys et les Allemands, c’était insupportable.
A chaque fois, enfant, que je demandais à ce que l’on me  raconte des histoires de famille, il n’était question que de la guerre, de la vie misérable de mes ancêtres, de persécutions, d’émigrations.
Le pire furent les récits de la guerre. Mon grand-père était revenu un bras en moins et ma mère disait ""entendre le bruit des bottes allemandes dans sa tête sans arrêt".    
Mais lorsque arriva le moment de choisir ma seconde langue au lycée, je choisis l’allemand.
Ma mère pleurait :
- "Mais qu’est-ce que j’ai fait au bon dieu pour avoir une fille pareille? Tu le fais exprès, c’est pas possible ! "
- "Mais non maman, justement lorsque tu connais la langue de ton ennemi, tu es bien plus armé pour te défendre. "
Cet argument la calma.            
A chaque repas de fête, nous avions droit aux histoires de la guerre : où ils s’étaient cachés, comment cela se passait avec les Allemands, les Français collabos, les Italiens puisque ma famille avait beaucoup bougé, le manque de nourriture, mon oncle qui avait failli mourir de la tuberculose, les membres de la famille arrêtés et déportés, enfin la peur au ventre constante.        
Un soir, où j’en avais assez, je leur dis:
- "Nous sommes la seconde génération, on ne peut pas parler d’autre chose les soirs de fêtes. Peut-être que l’on peut parler de choses plus gaies."
- "Il n’y rien de gai dans notre histoire et vous ne devez jamais oublier ce que l’on nous a fait, jamais. Il ne faut jamais oublier." 
- "A chaque repas de famille, depuis que je suis petite, ce sont  les mêmes sujets qui reviennent, je ne risque pas d’oublier."
- "Tu sais cela a été très dur et on ne savait pas si l’on s’en sortirait. On ne savait pas ce qui se passait à ce moment-là. Jamais personne n’avait entendu parler de camp de concentration et de chambres à gaz. Nous l'avons su que lorsque la guerre fut finie. "


Cette guerre avait été terrible. Les juifs ashkénazes dont nous faisions partie étaient marqués psychologiquement au fer rouge. Mais le temps passant et Israël devenant de plus en plus puissant à tous  points de vue, nous allions tous mieux. Je parle de nous, car nous les enfants, avions hérité de cette guerre même si nous ne l’avions pas vécu véritablement mais seulement par procuration. Il n’empêche qu’elle nous avait été bel et bien transmise comme un héritage, un patrimoine de valeur à entretenir. C’est de cette manière que, nous, enfants de la seconde génération le reçurent.
Nous avions obligation d’honorer la mémoire de nos proches qui nous avaient quitté dans des circonstances atroces.
Etre juif, c’est perpétuer notre histoire, notre identité. Et  notre identité, c’est la souffrance, le fait d’être toujours victime.
Cette identité de souffrance et de victime, il n’est pas question qu’elle soit diluée comme elle pourrait l’être si nous nous mélangions aux autres. Elle doit rester juive, purement juive.

Il y a dans notre culture une détermination, je dirais même une intention de perpétuer l’histoire de notre souffrance. Il y a une volonté de non changement. Je n’ai jamais observé le moindre changement de positionnement ni de discours. C’est même l’opposé.
Les juifs sont réfractaires au changement.
Ils ne font que paraître s’adapter au monde extérieur.       
Cette souffrance, elle était aussi comme exclusivement ashkenaze  à cause de la seconde guerre mondiale.
Nous étions supérieurs même là dans notre souffrance, si bien que nous avions des difficultés à nous mélanger aux séfarades.
Jusqu’à tel point que ma mère apprit par hasard que sa nièce, ma cousine germaine de cinq ans mon aînée se fiançait avec un juif pied noir. Sa belle-soeur et meilleure amie n’avait même pas osé le lui annoncer. C’était un drame. Je me demande ce qui ce serait passé s’il avait été goy. J’imagine que cela aurait été pire bien sûr mais là c’était déjà beaucoup. Car il était juif tout de même. Nous étions en 1970 et la mixité entre les communautés séfarade et ashkénaze était loin d’être évidente et facilement acceptée. D’autant que nos parents avaient de belles situations alors qu’eux étaient arrivés quelques années auparavant et avaient tout à reconstruire. Ma tante en fit une dépression. Ce futur cousin était pourtant un bel homme, charmant de surcroît mais sans argent. C’était l’époque où nous roulions en Jaguar et lui venait chercher sa fiancée en 4L. Ma mère fut près de ma tante pour la soutenir et souvent je surprenais des conversations qui étaient d’un racisme étonnant. Les ashkénazes que nous étions se considéraient encore supérieurs dans la hiérarchie. Nous méprisions les goys qui étaient inférieurs à nous, c’était normal et un fait acquis. Mais nous étions aussi supérieurs aux séfarades. Je ne sais pas comment ils vécurent cela mais j’imagine pas bien du tout puisque toute cette génération n’avait qu’une chose en tête : réussir. Et c’est ce qu’ils firent. Mon cousin par alliance  se fit une énorme situation qui lui permit d’être définitivement accepté jusqu’à ce qu’il commette le péché ultime : tromper sa femme publiquement.

Chez les juifs, les hommes trompent leurs femmes comme partout ailleurs. C’est bien un des domaines ou juif et non-juif ont indiscutablement un point commun. Mais les ashkénazes froids par nature sont plus discrets et peu expansifs au contraire des séfarades, plus démonstratifs, aussi dans leurs amours. Ce fut à nouveau le drame mais cette fois-ci, parce qu’il était connu et que la honte retombait sur la famille.
Ma cousine fut priée de divorcer. C’était une grosse bêtise  car elle aimait profondément son mari, quant à lui c’était une aventure parmi tant d’autres et  il l’aimait aussi. A cette époque, nous étions très proches, aussi je lui dis de bien réfléchir avant de demander le divorce car je pensais sincèrement que c’était une erreur. Je lui conseillais de faire quelques efforts pour être moins froide, plus chaleureuse avec son mari. Cette décision était liée à un ordre venant de son père et ce n’était qu’une question d’orgueil. J’étais moi-même déjà divorcée et je pensais que c’était du gâchis puisque finalement ils s’aimaient.
Elle savait que j’avais raison mais son père lui imposa le divorce alors qu’elle avait quand même trente sept ans.
 
Mon adolescence fut une période faste. Notre train de vie augmentait considérablement même si mes parents niaient avoir de l’argent. Nouvelles voitures, longues vacances dans les plus beaux endroits du monde, voyages, achat régulier de bijoux et autres signes extérieurs de richesse.    
Plusieurs fois, je leur fis cette remarque
- "Vous vous plaignez de la jalousie que nous suscitons parce que nous sommes juifs et d’un autre côté, vous roulez en Jaguar."
- "Cet argent on ne l’a pas volé, on a travaillé dur pour le gagner. Nous faisons ce que nous voulons de notre argent. Ta mère avait envie de cette voiture."
Ma mère voulait cette voiture à tout prix, elle fit même casser le garage pour la faire entrer dedans car mon oncle, le frère de mon père dont l’épouse était aussi sa meilleure amie, venait d’acheter la sienne.
Quand ma tante avait quelque chose de neuf,  il fallait que ma mère l’ait aussi. Aussi dans le désordre, il y eut les diamants, les Rolex en or, les sacs et autres accessoires Hermès, les bagages et sacs Vuitton, les vêtements Yves Saint-Laurent, Dior et autres marques, les fourrures, les voitures (Jaguar pour mon père et mon oncle - Triumph Spitfire pour les femmes), les meubles de grandes marques et autres. Bien sûr, cette liste est non exhaustive. Enfin on faisait la course au standing dans tout et pour tout.
Autre petit détail. Ma mère était la plus jeune belle-soeur puisque mariée au plus jeune fils.
Aussi lorsqu’ils se marièrent en 1952, sa belle-soeur et future meilleure amie  était déjà mariée et venait d’avoir une petite fille. Elle eut son second enfant, mon cousin, au printemps de l’année 1955 et je naissais au printemps de l’année 1956. Ma tante eut son troisième enfant au printemps 1961 et mon frère naquit au printemps 1962.
Concurrence à tout va !

Mais le pire fut sur le plan commercial. Mon père travailla seul pendant une longue période mais ensuite, il eut l’opportunité d’acheter un très grand magasin associé avec l’un de ses frères, un beau-frère et le frère de ce beau-frère. Cette association leur fit faire un pas de géant financièrement si bien que les femmes s’associèrent à leur tour dans une superbe et grande boutique dans les plus beaux quartiers de la ville. Là encore, l’argent entrait à flots, et plus que jamais il fallait que ma mère et ma tante soient sur le même pied d’égalité en apparence. Le plus frappant fut les bijoux puisque pour les vêtements, il y avait maintenant le magasin. Elles se transformèrent en arbre de Noël ambulants. Néanmoins cette association fut de courte durée, elles séparèrent et créèrent chacune une boutique où elle se firent la guerre des marques. Le combat parut féroce car les marques changèrent souvent de main avant que cela ne se calme.
Malgré tous ces problèmes, les relations n’en furent pas ternies. Visiblement ce type de comportement ne changeait rien au cours de la vie ni au cours de la relation des personnes impliquées. J’appris ainsi que le frère de mon père, qui était un homme d’affaires redoutable avait volé son beau-frère (le mari d’une des soeurs) de plusieurs millions pendant leur association. Et ils étaient restés en bons termes.
Pour ma part, j’oscillais sur le problème de l’argent. D’un côté, j’appréciais que mes parents puissent me payer des vacances en groupe, j’aimais avoir tout ce dont j’avais besoin et d’un autre côté les signes extérieurs de richesse me mettaient mal à l’aise, montrer ainsi avec ostentation me semblait provocateur. Mes parents m’avaient enseigné que l’argent était la seule chose qui comptait et qui avait de la valeur dans la vie mais ils m’avaient aussi appris que les non-juifs étaient jaloux de nous. Toute ma vie, j’eus une relation ambivalente avec l’argent. Plus j’avançais en âge, plus ce que je voyais, ce que j’entendais me répugnait au point de me distancer de l’argent mais en même temps, c’était le seul moyen que j’avais pour être acceptée et reconnue comme ayant de la valeur à leurs yeux. Ce mélange n'allait pas faire bon ménage du tout.